Critiques // « Ceci est Mon Père » d’Ilay Den Boer à la MC93 / Festival le Standard Idéal

« Ceci est Mon Père » d’Ilay Den Boer à la MC93 / Festival le Standard Idéal

Fév 03, 2011 | Aucun commentaire sur « Ceci est Mon Père » d’Ilay Den Boer à la MC93 / Festival le Standard Idéal

Critique de Solveig Deschamps

A laisser couler ses larmes et faire le tour du périph…

Il nous accueille à l’entrée de la salle, en jogging gris et pull bleu, l’air bienveillant, avec son ballon de foot sous le bras, un délicieux accent néerlandais. Il, c’est le père (Gert). Lui est sur le plateau, plateau nu mis à part une télé en avant scène, c’est lui l’hôte et nous sommes ses invités, jogging noir et veste de survêt rouge, l’air bienveillant lui aussi, lui, c’est le fils (Ilay).

Père et fils à la vie et à la scène.

© Moon Saris

Le père rentre avec le dernier spectateur et rejoint son fils. Tous les deux nous sourient et on sent tout de suite que ça va être joyeux, comme quand on est invités chez des amis et qu’on sait qu’on y mangera bien et que la conversation sera agréable. Le père papote avec les spectateurs, le fils nous distribue le menu : « Vous avez la vie de mon père dans vos mains », une chronologie des dates importantes de la vie de son père.

Ilay est le maitre de cérémonie ,il nous parle en anglais, son père va traduire. La règle du jeu est simple, c’est à nous de choisir les dates dans l’opuscule. On découvre au fond du plateau un mur avec un guichet par date, dans chaque guichet il y a un objet qui concerne la date en question et le père va raconter, se raconter. Notre mission est de les aider à résoudre leurs différences et différends, à saisir leurs différentes façons de comprendre la vie. Ilay est juif par sa mère, Gert est protestant.

Une spectatrice se lance : 1972 ! (Rupture avec l’église)

Gert a 12 ans, l’objet c’est le disque de Deep Purple « Jésus Christ Super Star ». Le pasteur ne trouve pas que Rod Evans (le chanteur) ait la voix de Jésus, Gert aime la bible mais pas la religion. Une autre date est proposée : 1981 (de retour aux Pays-Bas. Marié avec Yaffa. La maison blanche. Étude de la littérature et linguistiques françaises à l’université de Leyde), puis une autre et encore une autre, assiste-t-on à une représentation théâtrale ou à une performance, personne n’a l’air de s’en soucier. Cette interaction nous convient.

« Incident antisémite » dit le fils – « Jeu cruel » dit le père

Comment en sont-ils arrivés à nous parler du foot, leur passion commune, ce qui ne les différencie pas ? On les écoute comme quand des amis nous racontent des histoires importantes de leur vie et qu’on trouve qu’ils en font un peu trop et que ce trop là nous intéresse… Plus question de leur poser de questions, ils nous ont emmené ailleurs, dans le théâtre, dans leurs différences.
Ilay adolescent fait du foot avec Benny, dans les douches celui-ci voit son pénis circoncis « Sale juif ! »« Sale youpin ! »

« Donne tes larmes à moi » dit le père à son fils. Ce fils qui, lui semble-t-il, a toujours eu tendance à la fantaisie même dans le drame, l’exagération. Ne voit-il pas une croix gammée dessinée dans la merde qui macule les vitres de leur voiture, œuvre de Benny ? Nous voilà au cœur du drame, de l’incompréhension, le mur des souvenirs devient le mur du témoignage, de l’infamie dont Ilay sort les tracts antisémites, des silhouettes cartonnées de jeunes sympathisant fascistes… « Arrête de relativiser ! » dit le fils à son père.
Notre identité religieuse influence-t-elle sur notre compréhension de la discrimination, de la haine ?

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Ilay ne peut plus parler que néerlandais pour raconter l’humiliation, le voilà nu, pour montrer à son père sa différence, son pénis, sa bite circoncise…
Entre souvenir et fiction, la lumière s’éteint dans la salle, nous sommes devenus voyeurs et voyants, les larmes et l’émotion nous envahissent, pourtant pas de pathos chez ces deux là, du théâtre mais du théâtre fait autrement, le théâtre contemporain et novateur existe donc…
Grande et belle route à vous Ilay Van De Boer et chapeau bas à vous deux.
Ilay Van De Boer a étudié à l’école des beaux arts d’Amsterdam. Depuis 2008, il écrit et créé « La Fête Promise », un cycle de six spectacles. Ilay Van De Boer n’a que 25 ans.

Ceci est mon Père
(« La Fête Promise », troisième partie)
« Dit ist mijn vader » (« Het Beloofde Feest », deel III)
Conception : Ilay Den Boer
Avec : Ilay Den Boer, Gert Den Boer
Dramaturgie : Maya Van Den Heuvel- Arad
Design : Edo Sutherland
Conseil musical : Melle Kromout
Orchestration : Anan Den Boer
Supervision : Willibrord Keesen
Lumière, technique, décor : Robert Richter

Les 1er, 2, 3 et 5 février 2011
Dans le cadre du festival
Le Standard Idéal

MC93 Bobigny
1 boulevard Lénine, 93 000 Bobigny – Réservations 01 41 60 72 72

www.mc93.com

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