Critique de Dashiell Donello –
Georges Bigot a cheminé dans plusieurs directions pour témoigner et rendre hommage aux rapatriés d’Indochine : la narration, la poésie et l’art dramatique. Deux étoffes du rêve, l’une rouge et l’autre blanche vont être le miroir de cette histoire vraie. Un théâtre d’ombres nous raconte le départ pour la France, en Avril 1956, de Louise neuf ans avec toute sa famille, sur le bateau le Captain Cook. Entre le mal de mer et le mal de leur terre.
© Yvan Philmer
L’appareillage est précipité, mais les trésors sont dans les bagages : des ustensiles de cuisine ! On dit que là-bas en France « il fait froid », même en étant un peu triste, ils sont tout de même heureux de savoir que là-bas, ils vont enfin pouvoir vivre libres. La grande dame France vêtue de bleu, de blanc et de rouge, doit être impatiente de les rencontrer. Mais, on ne leur a pas dit qu’à l’arrivée au C.AR.I (Centre d’Accueil des Rapatriés d’Indochine), un sol de pluie boueux les attend, ainsi qu’un alignement de baraques aussi tristes les unes que les autres. Très vite un chef de camp notifie ce que doit être la discipline générale : « art. 17. L’exclusion des centres sera prononcée contre les personnes dont l’hébergement aux frais de l’état ne paraît pas justifié. ». C’est ça la France ? Alors, le premier soir, la famille dort dans le même lit, dans des couvertures de l’armée qui grattent et qui piquent, pour se consoler de cette nouvelle vie, où il faudra s’adapter. Le reste, il faut venir le découvrir dans cette remarquable et bouleversante pièce « Cafi » de Vladia Merlet, une histoire de Français d’Indochine.
© Fabrice Lépissier
Une écriture contemporaine pour un théâtre humanitaire
La mise en scène de Georges Bigot est discrète et toute en nuance et subtilité. Il est un digne successeur de Jean-Louis Barrault (1910-1994). Tout comme lui, il vit le théâtre au présent, et sert cet art total avec talent, pour faire résonner les émotions de la vie. Du théâtre d’ombres, au théâtre d’objets, en passant par le conte et la poésie. Ce théâtre qui fait avec peu de moyen est riche d’inventions et d’humanité. On sent dans la direction d’acteur une écoute et un respect réciproque. Ce qui fait que l’auteure et comédienne Vladia Merlet est tout simplement prodigieuse. Sa dextérité à passer d’un personnage à l’autre, et d’être la narratrice de l’histoire est prodiguée avec une grande agilité. Du côté de l’ombre on voyage, et dans la lumière on s’attendrit de la justesse de sa sincérité. Cafi est un grand coup de cœur, c’est un théâtre altruiste qui cherche le progrès de l’homme sans effet, ni esbroufe. Georges Bigot croit que le théâtre peut faire évoluer les mentalités et nous lui donnons raison. Il est important de voir non pas un spectacle, mais ce que peut faire le théâtre quand il donne le meilleur de lui-même.
Cafi
De : Vladia Merlet
Mise en scène : Compagnie Par les Temps qui Courent…
Direction de la mise en scène : Georges Bigot
Avec : Vladia Merlet, Frédéric Laroussarie, David Cabiac
Ambiance sonore : David Cabiac
Lumière : Joël Coupé et Georges Bigot
Costumes et accessoires : Stefany ValetDu 14 septembre au 2 octobre 2011
Du mercredi au samedi à 20h30, le dimanche à 17hThéâtre de l’Opprimé
78/80 rue du Charolais, Paris 12e
Métro Reuilly-Diderot, Montgallet – Réservations 01 43 40 44 44
www.theatredelopprime.com