Critique de Denis Sanglard –
Satire politique et glamour
Elles sont enfin là ! Sur scène ! Portées par le succès du film d’Almaric, « Tournée », les créatures du Cabaret New Burlesque posent leurs malles au Théâtre de la Citée Internationale. Et ça dépote ! Alors le new burlesque ? Au départ était le burlesque, numéro de cabaret inspiré du vieux continent européen. Le strip-tease en était une composante. Très vite les codes en furent détournés, désamorçant l’érotisme pour en faire un spectacle décalé, parodique, bien que s’inscrivant dans la mythologie américaine de plus en plus détournée. Puis vinrent les années quatre-vingt-dix et le new burlesque, véritable performance entre l’art de la scène, le théâtre et le glamour. Synthèse entre le show girl, l’individualisme américain et la satire politique, manifeste féministe louchant sur l’esthétisme drag-queen cheap, le new cabaret n’est certes pas politiquement correct.
© Ted d'Ottavio
Le corps nu, hors norme et crânement assumé en étendard , pasties sur les tétons, conscientes des enjeux provoqués, qu’ils soient sexuels, d’argent et même de genre, les strip-teaseuses du new burlesque renversent les valeurs joyeusement, outrageusement, armées d’accessoires mythologiques au sens de Barthes, corsets somptueux, boas, éventails de plumes, talons vertigineux. Ultra-féminines, elles se réapproprient leurs corps en totale et jubilatoire liberté, s’amusent de leur sexualité et des regards provoqués. Il n’est plus question de voyeurisme mais bien de performance, d’un discours politique sous le fard et derrière les numéros extravagants et excentriques. Cela est renforcé par la forme même du cabaret qui crée une proximité, une intimité bien plus violente qu’une scène classique.
Strip-tease et performance
L’intérêt de la troupe présente à Paris est de présenter un éventail large du new burlesque actuel. Du strip-tease glamour, hommage aux années cinquante, pas très loin de l’image classique des pin-ups dont Betty Page fut l’une des représentantes, proposé par Evie Lovelle, à l’effeuillage tout de sensualité de Mimi Le Meaux au corps somptueux. Mais également l’humour trash et politique de l’incroyable et fellinienne Dirty Martini dont un des numéros est suffisamment explicite pour comprendre sans doute l’essence du New Burlesque et ses fondamentaux.
© DR
Comment ne pas penser à Mae West dont elle est sans doute l’héritière. Julie Atlas Muz amène une bonne dose d’humour mais également de poésie. Et puis il y a un homme, Rocky Roulette. C’est toute l’ambiguïté du new burlesque qu’il amène sur scène. Se jouant des codes du strip-tease féminin qu’il s’approprie, du folklore américain traditionnel qu’il détourne, comme Dirty Martini, son numéro de cow-boy se termine sur une note singulière qui vaut mieux qu’un discours. Et tout cela est présenté sous la houlette de Kitten on the Keys, maîtresse femme et maîtresse de cérémonie à l’abatage incroyable, comme ses changements de costumes, et qui vous chauffe la salle à blanc entre deux chansons bien lestes. On hurle, siffle, tape des pieds et des mains. On s’amuse, certes, mais ce qui frappe c’est l’intelligence, l’engagement et le courage des ces performeurs qui se jouent de tout clichés pour poser la question de la place de l’individu dans la société présente, de sa liberté, avec pour seule arme leur corps nu en avant.
L’impudeur et le rire sont des armes redoutables.
Cabaret New Burlesque
Direction artistique : Kitty Hartl
Avec : Mimi Le Meaux, Kitten on the Keys, Dirty Martini, Julie Atlas Muz, Evie Lovelle, Rocky Roulette.Du 27 décembre 2010 au 15 Janvier 2011
Théâtre de la Cité Internationale
17 Bd. Jourdan, 75 014 Paris – Réservations 01 43 13 50 50
www.theatredelacite.comEt du 21 au 23 Janvier 2011
Le Centquatre
104, rue d’Aubervilliers, 75 019 Paris – Réservations 01 53 35 50 00
www.104.fr