Critiques // « Boumkoeur » de Rachid Djaïdani au Théâtre de la Boutonnière

« Boumkoeur » de Rachid Djaïdani au Théâtre de la Boutonnière

Mar 29, 2010 | Aucun commentaire sur « Boumkoeur » de Rachid Djaïdani au Théâtre de la Boutonnière

Critique de Florian Fauvernier

Un jeune de cité décide d’écrire un ouvrage sur la vie de son quartier.
Il se heurte alors à l’incompréhension de ses amis…

Boumkoeur, c’est l’histoire de Yaz et Grezy, deux gremlins d’un quartier populaire. L’un qui veut écrire, l’autre qui lui raconte des histoires…Deux jeunes d’une vingtaine d’années, avec leur passé, leur présent, leurs doutes, leurs rêves. Deux jeunes à fleur de peau, vivants, drôles et touchants, incarnés par Tony Mpoudja et Salim Kechiouche et mis en scène par Habib Naghmouchin formé au théâtre Jacques Lecoq et comédien.

Une note actuelle sur la banlieue: un matériau brut traité avec inventivité.

« Mon âge est de 21 hivers, je porte un jean 501, un pull bleu, sur mon poignet droit une gourmette en argent avec le prénom d’Hamel, mon défunt petit frangin, j’habite au 12e étage d’une des tours de la cité, je suis au chômage. J’aime bien la vie en général, mais j’aime pas le rap de variétés, qui me parle de bouger de là et qui me dit de me balancer les bras en l’air parce que ma vie est funkie. Je suis un requin assassin grâce à la morsure de mon phrasé. » Rachid Djaïdani est comédien, boxeur, écrivain, français d’origine algéro-soudanaise. Boumkoeur est son premier roman publié en 1999, ici adapté au théâtre.

Le beur et l’argent du beur

Dans une salle intimiste à l’agencement en prise directe avec le plateau, tel un ring sur lequel on doit se coltiner sa violente réalité. Grézy et Yaz se présente à nous. L’un a recours à l’écriture, l’autre se prête à une forme de violence.

Tous deux refusent leur vie et préfèrent la rêver…Quitte à mentir. Sa majesté des mouches de Golding n’est pas très éloignée de cette recherche d’une existence, d’une certaine position, dans la société. De cette mise en place de codes vestimentaires et de langage, de la notion de territoire. De cette prise de conscience par l’un des protagonistes que les mots ont du pouvoir, celui d’interpeller, celui de témoigner, celui de transformer en dollars le regard, son propre témoignage, authentique et non interprété par des médias menteurs, mytho, et parfois même, collabo du pouvoir. Parce qu’ils en ont marre de l’exclusion et de l’ignorance, parce qu’ils en ont assez de cette existence où l’on fait tout pour s’oublier. Parce que dans les cités trop souvent des enfants naissent et puis après… se construisent eux mêmes. Hors cadre, sans une « main » (l’État, les parents, les structures, etc…) qui puisse les aider à s’élever.

Ces deux jeunes gens s’allient pour transformer leur rêve, leur espoir, pour exister. Avec un langage qui passe du poétique à l’argot, du soutenu au familier. Le texte de Rachid Djaïdani tel un chant slam les maux et la poésie éclatent là ou pousse la mauvaise herbe des quartiers. « Aux faits, j’incrusterai une part de fiction pour le rêve, sinon, y a des chances que l’aventure soit à l’égal du temps qui pèse sur moi, c’est à dire gris comme froid. » Entre violence et amitié, on reste scotché. A noté en plus, un bonus, pour les amoureux comme moi d’Edmond Rostand. La scène des « Non merci » de Cyrano « ne pas monter bien haut peut-être mais tout seul » version slamée, gonflée d’intense émotion. Un spectacle écrit, mis en scène et interprété avec panache quoi !

Boumkoeur
Texte : Rachid Djaïdani
Mise en scène : Habib Naghmouchin
Avec : Tony Mpoudja, Salim Kechiouche

Du 23 mars au 8 mai 2010

Théâtre la Boutonnière
25 rue Popincourt, 75 011 Paris – 01 48 05 97 23
la.boutonniere.free.fr

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