À l'affiche, Critiques // Benjamin Walter, de Frédéric Sonntag, Théâtre de la Cité Internationale

Benjamin Walter, de Frédéric Sonntag, Théâtre de la Cité Internationale

Fév 23, 2017 | Commentaires fermés sur Benjamin Walter, de Frédéric Sonntag, Théâtre de la Cité Internationale

ƒƒ article de Denis Sanglard

2015-09-18 Frederic Sonntag - Benjamin Walter

2015-09-18 Frederic Sonntag – Benjamin Walter

© Gaelic

A la recherche de Benjamin Walter…voilà une aventure théâtrale quelque peu hors-norme. Frédéric Sonntag nous embarque dans un labyrinthique parcours quelque peu original. Il faut s’accrocher ferme pour le suivre mais pour qui résiste au plus de trois heures que dure cette épopée, c’est parfois un peu dur, ce voyage surprenant se révèle un joli moment de théâtre. Joli mais loin d’être mièvre. Frédéric Sonntag brouille allégrement et sciemment les pistes de la fiction et de la réalité. Benjamin Walter a disparu, a cessé d’écrire. Partir à sa recherche c’est pour le metteur en scène ou son personnage appréhender le monde progressivement d’une autre façon. Une étrange flânerie, une déambulation qui n’a d’autre but au final qu’elle-même au risque de se perdre et d’accepter la perte. Qu’importe alors de retrouver Benjamin Walter au bout de ce voyage. Cette traversée de l’Europe, de la Finlande au Portugal, de la Suisse aux pays de l’est, c’est une traversée des apparences troublées, un nouveau projet de vie qui se dessine lentement, l’occasion de raconter une histoire autrement. Autour de ce voyage c’est aussi une réflexion habilement menée sur la réalité, les apparences et la fiction. Et pendant que le metteur en scène se perd lentement à son tour dans cette quête, sa compagnie en rade remonte à la source de ce voyage, récolte les minces indices –quelques cartes postales aux textes elliptiques, des photos, des mails, des conversations par skype avec les rares interlocuteurs retrouvés ayant rencontré Benjamin Walter…-, mène l’enquête comme un polar et font bientôt création des matériaux collectés et de plus en plus ténus. Car tout se passe en réalité là, dans cette salle de répétitions glaciales et squattée où cherche fébrilement, s’engueule parfois, une compagnie déroutée. Frédéric Sonntag ne cesse ainsi d’emboiter les récits les uns dans les autres, tels des poupées gigognes, de mettre en abyme et en perspectives les éléments épars de cette traversée. C’est du théâtre dans le théâtre, du théâtre en train de se faire ou se défaire. On passe ainsi de scènes jouées / reconstituées à d’autres racontés tout simplement. Les différents récits s’interpénètrent, les narrations se brouillent. Les points de vue se multiplient ou s’opposent. Bientôt mails et vidéos disparaissent,  ne reste plus que des écrits fragmentaires, des traces fugaces et la parole qui circule et prend le relai devant les indices recueillis. Frédéric Sonntag oscille ainsi de la réalité (fictive elle aussi) à la fiction. Un sac de nœuds mais habilement enchevêtré et qui lentement se dénoue pour un propos bientôt singulier, hanté par la disparition. Il n’y a que des fantômes, ceux d’écrivains qui hantent Benjamin Walter, à commencer par Walter Benjamin, ami de Brecht et dont il est aussi question ici. Bolano, Vila-Matas traversent également cette création. Baudelaire. Mais l’originalité est de procéder comme procède l’avatar de Frédéric Sonntag, et à l’autre bout la compagnie, à la recherche de Benjamin Walter, de travailler la pièce en procédant par montage, par strates, comme un rébus ou ces contines marabout-bout de ficelle…Chaque élément apporté nourrissant, infléchissant, provoquant peu ou prou et la quête du metteur en scène de plus en plus absent et la compagnie de plus en plus présente et fébrile.  Un montage, un collage fait de citations lesquelles mises bout à bout font également œuvre. Une œuvre se bâtissant devant nous. Il serait dommage de révéler le cœur de ce  labyrinthe dans lequel nous sommes entraînés mais le propos de Frédéric Sonntag est un manifeste qui soulève bien des questions existentielles. Sa mise en scène toute de fluidité procède habilement en échos de ce qui est énoncé. La mise en scène comme un rhizome (terme employé avec justesse par un des acteurs), appliquant lui-même ce que la compagnie sur le plateau s’évertue d’appliquer dans un bouillonnement de plus en plus communicatif. Procédé de mise en abyme subtile qui brouille un peu plus le rapport à la réalité et rejoignant son propos sur un théâtre documentaire avec, pour résumer, la question centrale qui parcourt cette création : c’est quoi le vrai ?

 

Benjamin Walter
Texte et mise en scène de Frédéric Sonntag
Création et régie vidéo Thomas Rathier
Création musicale Paul Levis
Création et régie lumière Manuel Desfeux
Scénographie Marc lainé, assisté de Lucie cardinal
Costumes Hanna Sjödin
Assitanat mise en scène Jessica Buresi
Régie générale et son Bertrand Faure
Régie Plateau Anthony Capelli

Avec Simon Bellouard, Marc berman, Amandine Dewasmes, Clovis Guerrin, Paul Levis, Lisa sans, Jérémie Sonntag, Fleur Sulmont, Emmanuel Vérité

Du 20 février au 7 mars 2017
Du lundi au samedi à 19h30, le dimanche à 16h, relâche le mercredi et le dimanche 26 février

Théâtre de la Cité Internationale
17, bd Jourdan – 75014 Paris
RER Cité Intrenationale
Réservations 01 43 13 50 50
www.theatredelacité.com

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed