ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Courir. Courir à perdre haleine. Jusqu’à l’épuisement total du corps. Auguri, la dernière création d’Olivier Dubois éreinte les corps à la recherche d’un absolu, le bonheur. Une quête échevelée ou chacun dans son élan, traverse le plateau à toute allure, au risque de la chute. Courir donc. Se heurter parfois. S’agripper. S’étreindre. Se rejeter. Faire chuter. Tomber. Ne plus se relever. L’individu, coureur solitaire, bientôt rassemblé en meute aveugle qui court vers un même but obscur et mystérieux. C’est affolant de maîtrise, de précision. Il y a quelque chose de noir, d’angoissant, d’oppressant, accusé par la musique de François Caffenne, qui sourd au fur et à mesure de cette course démentielle, de cette chorégraphie hallucinée, qui semble ne jamais vouloir prendre fin, tel un mouvement perpétuel et ivre. Marathon sans victoire. Olivier Dubois transfigure la quête de l’individu vers le bonheur, un ailleurs, un idéal. Mais lequel ? Les trajectoires dessinées par cette course semblent tourner désespérément en rond. Ils sont 22 interprètes, tous singuliers, porteurs d’une histoire qui leur est propre, mais qui ne font bientôt qu’un seul et même corps, une masse compacte et friable, fragile, épuisée qui se désagrège, se jettent d’un unique élan, dans le chaos, vers la même sortie, entre deux blocs, si étroite qu’ils s’y écrasent. Ce ballet préfigure l’enfer de nos destinées. Auguri explique Olivier Dubois ce sont les augures, ces trajectoires des oiseaux observés pour révéler l’avenir. La traversée fulgurante de ces corps dessine une géographie intime et collective heurtée, des trajectoires aléatoires et vouées à l’exode, une fuite en avant. Est-ce cela l’avenir du monde souhaité par le chorégraphe ? Olivier Dubois exige beaucoup de ses danseurs. Ils sont terriblement, magnifiquement vivants. Ce qu’ils offrent là, ce poids de chair sensible, trempée de sueur, qui s’épuise en vain à courir vers un but secret ou vain, cette respiration qui va jusqu’au cri parfois, n’est pas sublimation mais vérité crue d’une humanité qu’Olivier Dubois s’échine à déchiffrer et révéler. Si on peut regretter une fin qui verse tout à coup dans quelque chose d’esthétisant, l’image est belle, trop sans doute au regard de ce qui précède et rompt la sidération qui nous emportait, on demeure fasciné par cette proposition radicale et sèche, cette danse exigence et absolue, désespérée quoiqu’en dise Olivier Dubois, qui vous saisit à bras le corps…

Auguri
Chorégraphie d’Olivier Dubois
Assistant à la création Cyril Accorsi
Musique François Caffenne
Lumière Patrick Riou
Scénographie et décors Olivier Dubois
Costumes Christel Zingiro
Direction technique Robert Pereira
Notation Estelle Corbière
Entraîneur sportif Alain Lignier

avec Aimée Lagrange, Antonin Rioche, Aurélie Mouihade, Benjamin Bertrand, Camerone Bida, Clémentine Maubon, David Le Thaï, Ines Hernandez, Jacquelyn Elder, Karine Girard, Loren Palmer, Mathie Calmelet, Mélodie Lasselin, Nicolas Sannier, Rémi Richaud, Sandre Savin, Sébastien Ledig, Sébastien Perrault, Steven Hervouët, Thierry Micouin, Virgine Garcia, Youness Aboulakoul ( distribution susceptible de modifications)

Du 22 au 24 mars 2016 à 19h30

Théâtre National de Chaillot
1, place du Trocadero – 75008 Paris
M° Trocadero ( ligne 9 et 6)
Réservations 01 53 65 30 00
billeterie@theatre-chaillot.fr

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