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Après coups projet-un Femme n°2, de Séverine Chavrier, Théâtre de la bastille

Fév 03, 2017 | Commentaires fermés sur Après coups projet-un Femme n°2, de Séverine Chavrier, Théâtre de la bastille

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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© Alexandre Ah-Kye

Des corps jetés dans la bataille ! Elles sont trois jeunes femmes sur le plateau, trois interprètes exilées venues d’horizons géographiques et artistiques différents. Danseuses, circassiennes, comédiennes, chanteuses, tout ça à la fois pour redéfinir une carte du violent, envers de la carte du tendre, état des lieux de la condition féminine aujourd’hui. Une création rattrapée violemment par l’actualité au regard des évènements politiques actuels qui voit la réaction gagner du terrain et s’attaquer, comme toute dictature en devenir, au corps et principalement au corps féminin. Une remise en question, une abolition même,  des droits acquis aux prix de luttes violentes… Après Coups Projet Un-Femme N°2 est le deuxième volet où Severine Chavrier interroge le féminin entre l’intime et le politique. Mesure les écarts d’une société l’autre, d’une culture l’autre, les points communs. Entre confessions intimes, bouleversements sociétaux, régimes politiques singuliers. Que portent donc ces trois femmes en elles qui les singularisent mais surtout les unissent dans leur quête d’un affranchissement que signe l’exil –même douloureux-, que porte leur art, leur recherche d’une liberté malgré ou avec les contraintes de leur condition et de leur culture. Une danoise, une cambodgienne, une israélienne, unies, réunies dans cette appréhension de leur condition entre confidences, regards portés sur leurs origines, cet écartèlement permanent entre une éducation reçue et le désir d’en échapper sans rien renier de cet héritage. Trois femmes, trois combats nourris de cet entrelacs souvent inextricable entre l’intime et le politique. Avec pour seule arme leur sexe, leur sexualité, leur corps. Sur le plateau le monde s’engouffre dans sa diversité. Chacune se confie, dans sa langue maternelle ou en français, bribes de vies, éclats de voix éclatés pour des portraits sensibles qui démontent et se jouent des clichés. Clichés féminins ou masculins qu’elles secouent et tordent dans tous les sens pour en extirper une vérité. Reprennent les stéréotypes qu’on vous colle à la peau, les rôles qu’on vous attribue ou qu’elles se donnent en pleine conscience… De ça elles se jouent, en jouent, dansent jusqu’à la transe. De leurs corps qu’elles manipulent et métamorphosent jusqu’à créer parfois des figures grotesques, elles font une arme radicale et balance leurs quatre vérités. Ce corps qui est l’enjeu des sociétés et des politiques elles le mettent en jeu. Quand elles ne l’ont pas mis en danger d’une façon ou d’une autre. Et l’exposent ouvertement et parfois crument que contrebalancent des confidences bouleversantes. Sur le plateau c’est un balancement  perpétuel, un frottement ininterrompu entre deux pôles qui finissent par se confondre parce que ce qui peut définir leur condition est justement cette position inconfortable d’être dans un entre-deux qui les tiraille et que l’exil et leur art accentuent et sauvent tout à la fois. Deux cultures, la leur et celle du pays d’accueil, une éducation prégnante dont on tente de se défaire ou du moins d’adapter à ses aspirations, l’intime et le politique qui innerve la société jusqu’à la famille. C’est tout ça que tentent de brasser Séverine Chavrier et ses interprètes. Ce qu’elles offrent est une cartographie foisonnante des violences faites aux femmes, des combats menés pour se libérer des carcans imposés. Entre contorsions donc, danses folkloriques, contine, confidences et jeux de rôles, quelques simples accessoires détournés, le corps exsude cet inconscient et ses aspirations légitimes. Dénonce aussi les postures masculines et politiques fascisantes, figures grotesques ici, dans lesquels nous nous engouffrons de nouveau. Elles rendent coups pour coups jusqu’à se munir de gants de boxe, sans hargne mais avec un certain à-propos et une ironie certaine. Création politique au sens premier du terme, bouleversante par son propos, indispensable au regard du monde et de l’avenir inquiet qui se dessine.

Après coups projet-un Femme n°2
Conception Séverine Chavrier
Avec Asthar Muallem, Voleak Ung, Cathrine Lundsgaard Nielsen
Son Jean-Louis Imbert, Jérôme Fèvre
Lumières Laïs Foulc
Vidéo Emeric Adrian
Plateau et régie Générale Loïc Guyon
Costumes Nathalie Saulnier
Accessoires Benjamin Hautin

Du 30 janvier au 5 février 2017 à 20h, le dimanche à 17h

Théâtre de la bastille
76, rue de la Roquette – 75011 Paris
Réservations 01 43 57 42 14
www.theatre-bastille.com 16 et 16 mars Théâtre des deux-rives CDN de Normandie
31 mars au 2 avril Les subsistances / Lyons

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