ƒƒƒ article de Denis sanglard

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Hommage à Judy Garland. Raimund Hoghe, comme il le fit avec Maria Callas, rend hommage à une figure majeure de la chanson. Mais comme toujours avec ce magnifique et singulier danseur et chorégraphe c’est un peu plus compliqué que cela. Réinterrogeant le mythe, le dépouillant de son glamour, de son vernis, c’est la face tragique qu’il met à jour. L’enfant star sous pression, la femme droguée, morte d’une overdose médicamenteuse. Il y a franchement quelque chose de pourri « Over the Rainbow »… Pull noir et jupe accordée, chaussure à talons, Raimund Hoghe n’est pas pour autant un travesti. Il reste Raimund Hoghe, ce performer incroyable, au corps non conforme, menu et bossu, qui lui donne une liberté incroyable et troublante, celle de « jeter son corps dans la bataille » (Pasolini). Tout dans cet « Evening with Judy » n’est que signes, rien que signes, comme ces taka des acteurs japonais à qui on peut oser le comparer, pour une évocation sensible. Quelques signes donc, quelques attitudes esquissées, sans plus, des accessoires sortis d’une valise et c’est tout. Mais ces mêmes signes il les épuise en les répétant. Tout devient, au fil de cette évocation, mécanique avant de s’enrayer définitivement. C’est ce dérèglement des marqueurs hollywoodiens devenus comme vides de sens, creux, que souligne Raimund Hoghe. En contrepoint les chansons de Judy Garland comme autant de miroirs éclatés et menteurs d’une personnalité troublée qui ne se reconnaît plus dans l’image démultipliée et offerte à tous de ces standards musicaux. Raimund Hoghe, comme à l’accoutumée, offre un rituel. Ici pour une défunte. Un cérémoniel sans pathos mais d’une sensibilité qui vous bouscule parce qu’il réussit à décaper un personnage de son vernis glamour, fabriqué et broyé par une industrie pour atteindre la vérité d’une femme overdosée, épuisée par cette usine à rêve, Hollywood. Raimund Hoghe a le sens de l’image, d’autant plus frappante que ses performances sont d’une grande sobriété, austère même. Un rouge à lèvres essuyé d’un revers de la main devient stigmate. Des mains qui s’agrippent au mur marquent l’épuisement. Un trente-trois tours se substitue à votre visage avant d’être jeté… Autant de signes donc d’un délitement atteignant une certaine cruauté avec l’intervention de Takashi Ueno qui, représentant Liza Minnelli dans un duo avec sa mère, danse jusqu’à épuisement sans bientôt plus se préoccuper de Raymond Hoghe, corps effondré et ramassé sur sa valise, le visage caché dans ses mains. C’est dans ces frottements entre le show offert, le rêve, et la réalité d’une vie plus proche du cauchemar que du conte de fée que se glisse doucement Raymond Hoghe. Pas pour rien non plus qu’il glisse un extrait du film « Jugement à Nuremberg » ou assis et de dos, le corps tendu, il donne à entendre une autre facette de Judy Garland. Les commentaires sont inutiles. Commentaires dont s’abstient Raymond Hoghe. Et c’est toute la force et l’intelligence de ses créations de jouer des contrastes avec une grande sobriété pour atteindre une justesse sèche et nue. Une austérité qui vous bouscule parce que cette création ainsi dégraissée de tout superflu et de toute incarnation, Raymond Hoghe garde toujours ces distances, quasi abstraite donc et de fait si concentrée à la fois, vous laisse pantois et bouleversé. « An Evening with Judy » est sans doute la meilleure biographie de Judy Garland.

An Evening with Judy, concept, chorégraphie, danse et scénographie de Raimund Hoghe

Collaboration artistique, Luca Giacomo Schulte
Invité, Takashi Ueno (danse), Luca Giacomo Schulte
Régie Lumière, Amaury Seval
Régie Son, Arnaud de la Celle

La Ménagerie de Verre
12/14 rue Léchevin
75011 Paris

Les mardi 24 et mercredi 25 novembre 2015 20h30
Réservations 01 43 38 33 44
www.menagerie-de-verre.org
reservation@menagerie-de-verre.org

Festival les Inaccoutumés 2015
A venir :
Raimund Hoghe, Songs for Takashi, 26/27/28 nov 2015 / 20h30
Gaëlle Bourges, Lascaux, 1/2/3 décembre 2015 / 20h30
Volmir Cordeiro, Rue, 4 / 5 décembre 2015 / 20h30
Jonas Chéreau & Madeleine Fournier, Sous-Titre, 8/9/10 décembre 2015 / 20h30
Kaori Ito, Je danse parce que je me méfie des mots, 11/12 décembre 2015 / 20h30

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