ƒƒƒ Article de Camille Hazard
Le spectacle Alors que j’attendais, écrit par Mohammad Al Attar et mis en scène par Omar Abusaada est une narration à deux voix.
Après avoir passé un des nombreux chekpoints à Damas, Taim est retrouvé à l’arrière de sa voiture, sauvagement battu. Dans le coma, il est emmené à l’hôpital où sa famille va attendre à son chevet avec l’espoir qu’il se réveille.
Retraçant de 2015 à 2016, l’histoire de Taim et de sa famille, l’auteur et le metteur en scène explorent la société et le conflit syrien de l’intérieur. Et si Taim est une victime visible du conflit, les êtres chers qui l’entourent, les victimes « collatérales », vont se faire face pour démêler des non-dits, des révélations et trouver leur place dans un quotidien bousculé. La guerre ronge les êtres au plus profond de leur foyer.
Alors que j’attendais explore la zone grise située entre la vie et la mort ; métaphore de la Syrie et de ses habitants qui oscillent entre espoir et désespoir, envie de lutter ou d’abandonner, de vivre ou de mourir. Les personnages qui gravitent autour du lit d’hôpital sont également suspendus à un temps qui ne leur permet plus de vivre. L’attente… l’attente de voir un fils, un frère, un ami, revenir à la vie. La confrontation de la famille révèle la société syrienne à travers plusieurs générations. Tout en mettant en scène une jeunesse progressiste, ivre de liberté, l’auteur et le metteur en scène n’hésitent pas à faire l’autocritique de la société et abordent sans concession, beaucoup de sujets qui l’animent; religion, liberté de la femme, liberté de penser, liberté de vivre…
La scénographie sur deux niveaux sert parfaitement l’entrelacement des deux narrations et parfait l’ambiance chaotique. À l’instar d’un ring, les comédiens « hors jeu » s’assoient et regardent les scènes se jouer sur le pourtour du plateau. La présence de la vidéo, loin d’être gratuite, plonge le public dans la réalité choc des images. Le jeu, le faire semblant du théâtre se cogne à la réalité sanglante comme une piqure de rappel. Comme pour Taim dans le coma, un personnage éclaire les spectateurs, nous laissant le temps nécessaire pour se demander si nous aussi, sommes dans le coma…
Mohammad Al Attar et Omar Abusaada, complices depuis 2007, tissent l’écriture et la mise en scène de leurs spectacles, en même temps et côte à côte, ce qui amène une force d’unité, de symbiose scénique. La parole et le geste ne font qu’un.
La notion de temps est aussi très importante dans le spectacle pour donner chair à toutes les ambivalences, à toutes les voix discordantes. La dernière image du spectacle s’achève comme la première avait commencé, dans la solitude la plus profonde, dans ce temps suspendu à l’infini. Loin de la vision que nous donnent les Médias de la Syrie, Alors que j’attendais est un cri, une ode, une messe pour un pays en perpétuelle hémorragie.
Texte de Mohammad Al Attar
Mise en scène Omar Abusaada
Scénographie Bissane Al Charif
Lumières Hasan Albalkhi, Abdulhamid Khalifed
Vidéo Reem Al Ghazzi
Musique Samer Saem Eldahr
Direction technique
Souher HamzaouiAvec Amal Omran, Mohammad Alarashi, Nanda Mohammad, Reham Kassar, Mouiad Roumieh, Mohammad Al Refai
Du 12 au 15 octobre 2016
Le Tarmac
159, Avenue Gambetta – 75020 Paris
M° Saint-Fargeau
Réservation 01 43 64 80 80
www.letarmac.fr
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