Article de Camille Hazard

© SuzanneRault-Balet

Le metteur en scène Ramzi Choukair le dit lui-même, il porte ce projet depuis longtemps. Cherchant à tordre le coup aux idées reçues, aux opinions extrémistes et caricaturales, il confronte pour mieux les rapprocher par la suite, deux personnages de légende : Hamlet, héros de Shakespeare et Al-Zîr-Sâlem, personnage issu de la littérature populaire semi-orale aux temps préislamiques.Pourquoi faire dialoguer ces deux héros ? Pour mettre en évidence la similitude de nos deux cultures, occidentale et orientale, pour montrer à quel point nos idées sont semblables, qu’il n’existe pas de différence et que l’Occident crée un fossé avec l’Orient par la mauvaise idée qu’il se fait de lui.

L’intention est louable et bienveillante, mais si le metteur en scène tient à se positionner « loin des oppositions manichéennes », sa mise en scène est quant à elle, trop simpliste pour le suivre dans sa démonstration.Le postulat de départ qui fonde le cœur du spectacle est quelque peu réducteur. Comment rapprocher, de manière généralisée, deux cultures, comment parvenir à dénoncer « l’injustice de notre monde » en se basant uniquement sur l’optique de vengeance de deux personnages de légende ? Dans le spectacle, Hamlet et Al-Zîr se confrontent, dialoguent, s’écoutent, mais leur quête de justice mutuelle et leur complicité de soif de vengeance ne suffisent pourtant pas à énoncer une généralité sur l’Orient et l’Occident…

Le spectacle réunit sur scène différentes prises de parole jouées par les personnages, du chant et des marionnettes. Hamlet et Al-Zîr sont tour à tour acteurs de leur histoire, témoins de l’histoire de l’autre pendant qu’une figure féminine, représentant parfois Ophélie parfois différentes femmes de la légende arabe, accompagne les scènes de son chant. On peut d’ailleurs s’interroger sur la perspicacité de montrer deux guerriers mâles, assoiffés de vengeance, conversant avec passion et croisant l’épée avec la présence féminine frêle, poétique, pleine de grâce, une couronne de fleurs à ses cheveux, qui ne parle pas mais qui chante…

Mais tout n’est pas vain dans cette proposition, le comédien William Mesguish apporte souffle et incarnation au spectacle ; on lui reconnaît l’étoffe du personnage d’Hamlet.La présence des marionnettes apporte un niveau de jeu supplémentaire mais leur utilisation est finalement assez éparse et l’on aurait souhaité les voir plus en vie.Voilà la vie ! Si le texte de Ramzi Choukair emporte le public dans des pérégrinations épiques et soulève bien des questions, le spectacle manque cruellement de vie. Les trois personnages évoluent dans une ambiance sévère, à la fin didactiqueet moralisante.

Al-Zîr Hamlet
D’après Hamlet de Shakespeare et Al-Zîr-Salem d’A. Farrag
Texte et mise en scène Ramzi Choukair
Assistante à la mise en scène Amandine du Rivau
Musique Fawas Baker
Lumière et scénographie Ramzi Choukair
Costumes Martine Ciota
Fabrication marionnettes Nour Jlassi
Avec William Mesguish, Fida Mohissen et Oriane Moretti (chant)

Du 4 février au 10 avril 2015
Du mercredi au samedi à 19h15, mardi à 21h15, dimanche à 17h00

Théâtre de Belleville
94, rue du Faubourg du Temple – 75011 Paris
M° Goncourt ou Belleville
Réservation 01 48 06 72 34
www.theatredebelleville.com

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