Critiques // « Adagio [Mitterrand, le secret et la mort] » d’Olivier Py à l’Odéon

« Adagio [Mitterrand, le secret et la mort] » d’Olivier Py à l’Odéon

Mar 21, 2011 | Aucun commentaire sur « Adagio [Mitterrand, le secret et la mort] » d’Olivier Py à l’Odéon

Critique d’Audren Destin

Avec « Adagio », Olivier Py nous offre une ballade au cœur de l’histoire. Fascinante. La première vertu de ce spectacle, me semble t-il, est qu’il nous concerne directement. La plupart des protagonistes sont encore vivants et certains jouent toujours un rôle dans la vie politique. La seconde est qu’il mêle la petite histoire à la grande, offrant ainsi un regard sur le parcours d’un homme mais également sur l’esprit d’une époque.

© Alain Fonteray

« Je serai le dernier, après moi il n’y aura que des comptables »

Tout d’abord il y a cette jubilation que l’on peut éprouver à suivre l’histoire de l’intérieur. Certaines petites phrases suffisent à mettre le doigt sur l’essentiel. Quand Jacques Séguéla, qui s’occupait de la stratégie de communication de la campagne de François Mitterrand, lui conseille, non sans un certain cynisme, de s’« habiller à gauche », cela illustre assez bien le glissement qui est en train de s’opérer de la politique vers la communication. Pour élaborer ce travail de reconstitution, Olivier Py s’est beaucoup documenté et a compilé des propos et des morceaux de discours véritablement prononcés par Mitterrand, mais il a également réinventé des discussions et des situations. Il a réussi le pari osé de mêler la fiction à la réalité sans trahir la vérité historique. « Les crapules ne se suicident pas » lâche Mitterrand lorsqu’il apprend la mort de Bérégovoy. Mais au-delà du personnage publique, c’est également le parcours d’un homme rongé par la maladie qui est ici mis en scène. Alors qu’il venait d’être élu, ses médecins ne lui donnait pas plus de trois années à vivre. Il allait cependant rester quatorze ans au pouvoir.

© Alain Fonteray

« Je compte vivre jusqu’à ma mort »

Mais si Olivier Py a réussi, par un travail de documentation et de réflexion, à constituer un texte à la fois profond, pertinent et parfois drôle malgré l’omniprésence de la mort et la gravité des événements, la réussite de ce spectacle vient également de l’immense talent des comédiens. Philippe Girard qui incarne François Mitterrand, bien qu’il ne lui ressemble pas physiquement, a réussi à trouver une véritable justesse dans le ton et la posture sans tomber dans l’imitation ou la caricature. Grâce à sa présence, la pièce sonne juste. Autour de lui, les proches et les collaborateurs défilent, certains de manière assez réaliste, d’autres de manière plus caricaturale. Au final, ce mélange des genres donne à la pièce suffisamment de légèreté et d’humour pour nous tenir en haleine. Le décor conçu par Pierre-André Weitz est superbe, au-dessus des hautes marches, sur lesquelles les comédiens évoluent, s’ouvre un deuxième espace dans lequel un tapis roulant fait alterner saisons et paysages et qui constitue un second espace de jeu. La cerise sur le gâteau, c’est la musique composé par l’excellent Quatuor Léonis.

« Ce n’est pas un traité de sagesse dont nous avons besoin, mais d’une représentation. Représentation est le mot juste, rendre présent à nouveau ce qui toujours se dérobe à la conscience. L’au-delà des choses et du temps. Le cour des angoisses et des espérances, la souffrance de l’autre, le dialogue éternel de la vie et de la mort. »

Adagio
Mitterrand, le secret et la mort

De : Olivier Py
Avec : Philippe Girard, John Arnold, Bruno Blairet, Scali Delpeyrat, Elisabeth Mazev, Jean-Marie Winling, Sébastien Richaud, et le Quatuor Léonis : Guillaume Antonini, Sébastien Richaud, Alphonse Dervieux, Jean-Lou Loger
Décor, costumes et maquillages : Pierre-André Weitz
Lumière : Olivier Py avec Bertrand Killy

Du 16 mars au 10 avril 2011

Odéon Théâtre de l’Europe
Place de l’Odéon, 75 006 Paris – Réservations 01 44 85 40 40
www.theatre-odeon.fr

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