ƒƒƒ article de Denis Sanglard

©Vitor D.Rosario

Pas vraiment les sœurs Kessler, moins encore les demoiselles de Rochefort. Plus proches certainement de Bette Davis et Joan Crawford dans « What ever happened to Baby Jane » dont par ailleurs ils soulignent la parentèle. Lorraine Starr et Desert Storm soit Mariana Tengner Barros et Mark Tompkins, deux stars déchues, excentriques, vieillissantes, has-been en attente d’un retour improbable sur le devant de la scène. Deux artistes décalées, deux sœurs paumées, rivales et complices. Entre amour et haine, souvenirs de tournées et boites de pâtés, elles ressassent, rabâchent leur gloire passée, « leurs hauts et leurs bas pour une si maigre récolte.» C’est une création potache, une farce cruelle et tendre, quelque peu foutraque et terriblement attachante. Parce que derrière ces deux artistes perdues et vieillissantes se posent la question de la survie de l’artiste dans un milieu toujours plus impitoyable. Jusqu’où aller, quelles compromissions pour rester en haut de l’affiche ou simplement y apposer son nom ? Jusqu’à montrer sa « rose » comme il leur est demandé expressément pour leur retour ? Ou dit sans détour, montrer son cul dans des émissions de télé-réalité ou prime le voyeurisme au détriment évident de l’art ? C’est bien à ce dilemme que nos deux show-girls sont confrontées. De la résistance de l’une à l’acceptation de l’autre, dans la tension d’un désir fou de retour malgré tout, malgré le ravage de l’âge, d’un corps qui se défait, et le temps qui vous ringardise, c’est une bataille perdue d’avance. Mark Tompkins est impayable en Desert Storm, échos ravagé de Tempest Storm, une vraie danseuse burlesque de 90 ans… Travesti sans jamais se départir de lui-même –comme à son habitude-, son personnage de grande gigasse pathétique est un numéro burlesque hilarant et profondément touchant. Le vieillissement de l’artiste masquant sa perte, s’illusionnant d’un retour impossible, s’incarne avec une justesse, une drôlerie et une émotion unique. Version trash et sauce drag-queen d’une Gloria Desmond dans Sunset Boulevard, sous le fard et la perruque rousse, c’est un clown qui grimace et se joue de lui-même, ultime partition, dernier pied de nez avant le tombé de rideau définitif. Avec Marian Tengner Barros, son alter-ego tout aussi impayable, une Lady Gaga dévissée, c’est un couple infernal qui, au-delà de leurs personnages, s’interrogent avec une fantaisie cruelle sur le devenir de l’artiste, la désillusion, l’échec et la survie… La passion qui chevillée au corps ne vous fait jamais abdiquer. Pour le meilleur. Et pour le pire.

A Power Ballad, conception Mariana Tengner Barros
Ecrit, mis en scène et interprétés par Mariana Tengner Barros et Mark Tompkins
Décors, Mariana Tengner Barros, Mark Tompkins et Antonio MV
Costumes, vidéo et assistance Antonio MV
Lumières et direction technique, Nuno Patinho
Musique, Filipe Lopes
Vidéo, Bruno Canas
Maquillage, Sonia Pessoa
Coiffure, Anasousaatelier
Photographie, Vitor D. Rosario

Ménagerie de Verre
12/14 rue Lechevin
75011 Paris
Festival Etrange Cargo
Du 26 au 28 mars 2015 à 20h30
Réservations : 01 43 38 33 44
www.menagerie-de-verre.org

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