Critiques // « A Brûle-Pourpoint » de Sabine Larivière

« A Brûle-Pourpoint » de Sabine Larivière

Oct 04, 2010 | Aucun commentaire sur « A Brûle-Pourpoint » de Sabine Larivière

Critique de Dashiell Donello

Elle est comédienne, joue Bérénice de Racine. Se laisse faire par son rituel indispensable pour lutter contre le trac. Entre en scène et rêve d’être ailleurs à boire une bière. Se laisse envahir par des pensées tandis que les vers de Racine envahissent le plateau. Trouve Antiochus très séduisant, quant à Titus….

Se raconte, elle, et elle jouant, regard des spectateurs sur elle. En oublie son texte et veut faire  ses adieux. Aime le velours rouge. Essaie de créer, d’être aimée, se sent ridicule et géniale. Se retrouve seule au bar du théâtre. Chante dans sa voiture sur le chemin du retour. S’engouffre dans le frigo en rentrant chez elle.

Dans la vie quotidienne, « comme si » est une évasion ; au théâtre, « comme si » est la vérité. Peter Brook.

Dans le beau décor naturel d’une ancienne imprimerie parisienne, se dresse au centre de la scène, semblable à la statue du commandeur dans Dom Juan, un velours noir de théâtre. L’ébauche de la lumière fait apparaître la comédienne qui sort de sa loge de velours. Ce soir elle donne Bérénice de Jean Racine, enfin de son point de vue. Notre Bérénice/ comédienne se vêt du velours noir qui devient son manteau d’apparat et laisse apparaître ce qui fut son support, un escabeau. De la coulisse, elle regarde entrer Antiochus et Arsace. Entre en scène à son tour et nous dit : «Enfin je me dérobe à la joie importune

De tant d’amis nouveaux que me fait la fortune…» Elle cherche à savoir s’il y a beaucoup de spectateurs, tout en personnifiant son rôle avec talent. C’est aussi l’occasion d’un clin d’œil, à nous spectateur déjà conquis, par cet exorde tout en brèves et en longues.

Elle nous fait entendre son intimité d’artiste, raconte ses tocs pour combattre son trac. Elle joue Bérénice de Racine, en passant de la prose à l’alexandrin avec virtuosité, de l’auteur contemporain au grand dramaturge devenu un classique. Point de superflu, mais l’essence même du jeu d’acteur : le texte, la voix et le corps dans l’espace vide. Pas de fioriture, la grâce par le lâché prise, seule sur le plateau ici et maintenant, avec pour objectif le théâtre. Les objets sont ses partenaires ; le velours est à la fois l’habit, la coulisse ; l’escabeau, le bar et même le grand Titus. Elle fait comme si, soliloque et réfléchit sur son art. Elle dévoile un secret… (Comment fait–on pour pleurer ? Fixer le projecteur !) car l’humour et la moquerie ne sont pas oubliés de ce texte.

Sabine Larivière issue du Conservatoire National de Région de Lille (1978) a une solide formation classique. Elle a toujours rêvé de jouer Bérénice de Jean Racine.

En fait je n’en suis pas si sûre, c’est maintenant que j’ai créé «A Brûle-pourpoint» que je dis que j’ai toujours rêvé de jouer Bérénice. (…) Par exemple, pour moi, le choc a été de m’apercevoir très tardivement que je n’avais pas un petit nez en trompette mais un nez à tragédie, dit-elle.

Bref, A Brûle-pourpoint est une pièce intérieure et profonde sur le métier d’acteur et l’on en sort impatient d’aller féliciter au bar (le vrai) cette excellente comédienne passionnée de tragédie racinienne.

A Brûle-pourpoint
De et avec : Sabine Larivière
Assistée de : Mireille Chaubaroux
Costumes : Martine Briand

Les 1er et 9 octobre à 20h00, les 3 et 10 octobre à 18h00

À L’imprimerie 168
Fond de cour, porte bleue, 168 rue de Crimée, 75 019 Paris
Contact : cieterminus@free.fr

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