À l'affiche, Critiques // Jacques et Mylène de Gabor Rassov, mise en scène de Benoit Lambert, Maison des métallos

Jacques et Mylène de Gabor Rassov, mise en scène de Benoit Lambert, Maison des métallos

Juil 08, 2016 | Commentaires fermés sur Jacques et Mylène de Gabor Rassov, mise en scène de Benoit Lambert, Maison des métallos

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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© 26000 couverts

Les 26 000 Couverts ne sont que deux à table pour cette création complétement délirante et hystérique. Soit une pièce de boulevard, ou du moins ce qu’il en reste, quelques lambeaux laminés, revisités et littéralement explosifs. Des amants et des cadavres dans le placard, au sens propre comme au figuré, des portes qui claquent, un couple bourgeois en pleine déconfiture, des amants et des maîtresses, et des situations de plus en plus absurdes, absconses voire invraisemblables et intenables. C’est une tragédie karchérisée, une comédie vitriolée, un vaudeville au TNT. Tous les codes du genre, tous les clichés afférents, passés en revue et au laminoir, déchiquetés joyeusement et en toute conscience et mauvaise foi rigolarde. Boulevard, soap-opera, série triple z, gore sous acide, porno zoophile, Grand-Guignol expérimental… C’est une coquecigrue appliquée au théâtre. Entre chef d’œuvre absolu et culte ou foutaise foutraque parfaitement assumée. On penche pour la première assertion. Car il y a beaucoup d’intelligence et de subtilité dans ce bel ouvrage. Ils ne sont que deux pour jouer sept personnages (Philippe Nicolle et Ingrid Strelkoff) qui n’auraient pu se passer d’un tel auteur (Gabor Rassov, illuminé sans doute), deux qui jouent à la poupée comme des sales gosses à qui on donne des allumettes en toute conscience mais certainement pas le Bon Dieu sans confession. Barbie et Ken en doublette il fallait y penser, malin clin d’œil acidulé pour ne pas dire acide, doubles et doublures miniatures de nos deux zozos azimutés et roue de secours pour les situations olé-olé pour ne pas dire scabreuses. Car il y en a du sentiment, aussi, du bien lourd et du bien trash, joué avec un véritable bonheur par ces deux-là, ces deux monstres d’innocence perverse en plein jeu de massacre, en pleine partouze existentielle et sanglante, quand le refoulé saute et met à nu les fantasmes coincés au fond de la gorge et ailleurs. Deux donc qui jubilent, rient sous cape, et font « comme si » avec les moyens du bord, un théâtre pauvre, qui bricolent sous nos yeux cette thérapie de couple et familiale, cette descente abrupte et sacrement secouée en enfer qui les saccage et saccage le plateau dans une hystérie, une folie furieuse renversant au fur et à mesure leurs pauvres certitudes étriquées et surtout les nôtres. On ne sait pas très bien jusqu’où cela va aller, on n’ose penser au pire qui advient pourtant. Inceste, viol, suicide, zoophilie, suicide (raté) expérimentation médicale (ou charcuterie pour être plus exact), il n’y a rien de trop. Et joué avec tant d’allant et de talent, de premier degré, en apparence, que le rire explose et balaye jusqu’au mauvais goût affiché comme clause de style. On connaît l’appétence furieuse et constante des 26 000 Couverts à faire exploser les conventions théâtrales, les dépecer, les passer à la moulinette, pratiquer des greffes hasardeuses et drolatiques, voire franchement burlesques, entre les genres juste pour voir ce qu’il peut en sortir. Là, c’est du concentré extrême. Benoît Lambert signe une mise en scène idoine et réussie qui habilement brasse tous les (mauvais) genres pour n’en faire qu’un, particulier, unique, celui des 26 000 Couverts.

Jacques et Mylène
Texte Gabor Rassov
Mise en scène Benoît Lambert
Création et interprétation Ingrid Strelkoff et Philippe Nicolle / 26 000 Couverts
Du 5 au 9 juillet 2016 à 19h

Maison des Métallos
94, rue Jean Pierre Timbaud – 75011 Paris
Réservations 01 47 00 25 20
www.maisondesmetallos.org

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