À l'affiche, Critiques // 4 de Rodrigo Garcia au théâtre des Amandiers de Nanterre, Festival d’Automne à Paris

4 de Rodrigo Garcia au théâtre des Amandiers de Nanterre, Festival d’Automne à Paris

Nov 16, 2015 | Commentaires fermés sur 4 de Rodrigo Garcia au théâtre des Amandiers de Nanterre, Festival d’Automne à Paris

ƒ article de Denis Sanglard

4_rodrigo_garcia© Marc Ginot

4, la nouvelle création de Rodrigo Garcia depuis Daisy confirme combien prime désormais la valeur littéraire et poétique indéniable de son œuvre. Les images sont toujours là, fortes, collages fait d’associations où le sens premier éclate pour une lecture décalée, pertinente et explosive. Pour exemple – et sans doute est-ce l’image la plus frappante de cette création – ces balles de tennis frappées contre un mur par un joueur alors que retentissent les cris particuliers, sous l’effort, de joueuses en plein match. Sur le mur « L’Origine du monde » vibre sous les coups et les revers… D’autres actions performatives sans aucun lien entre elles semble-t-il se succèdent. Sinon sans doute un exutoire, un défouloir comme cette lutte entre les quatre acteurs, reliés entre eux par des fils et des grelots, et qui ouvre la création. Ce qui est flagrant c’est le discours que Rodrigo Garcia désormais déplace, isole par rapport aux actions menées. Chaque monologue est comme une voix off, les comédiens engoncés en eux mêmes, rassemblés autour d’un micro, sans que leurs visages n’apparaissent et sans que l’on sache qui a pris la parole débite ainsi le texte sans que l’image n’interfère. Ce décalage et cette distance opérée offre une double lecture entre l’intime qui relève du texte et la part disons extraverti qui elle relève de la performance. C’est comme si le texte ne pouvait plus être mis en image, que l’image ne devait plus interférer sur le texte. Chacun devient autonome. Il y a deux modes de discours mis en résonnance ou en concurrence mais qui ne semblent plus reliés. Rodrigo Garcia débarrasse l’image de l’anecdote. Et délivre le texte de l’illustration. C’est évident quand surgit un samouraï qui devant deux lolitas maquillées à outrance et dans des stilettos bien trop grandes pour elles raconte une histoire d’enfance à faire pleurer Margot dans les chaumières et hurler de rire la salle. Il a beau être habillé en guerrier japonais, l’action, elle,  est réduite à zéro, seule prime le texte. Et si l’on veut trouver un sens à cette image de Samouraï au premier abord incongru peut-être alors faut-il s’interroger sur ce costume qui résume à lui seul une action possible mais avortée. Rodrigo Garcia semble ainsi avoir cherché des pistes, avant d’abandonner, qu’il expose ici en l’état sans chercher une cohérence hormis peut-être celle d’une interrogation sur la valeur du texte, sa place dans la performance. Pour aboutir à une forme qui sans être inaboutie reste boiteuse certes mais terriblement vivante et séduisante dans sa radicalité. Ce samouraï est la marque non d’un échec mais d’une tentative d’épuisement d’une certaine théâtralité menée à son terme. Rodrigo Garcia est un samouraï qui a posé (momentanément) les armes. Textes et actions décalés font de cette création une œuvre hybride parfois insaisissable, qui vous échappe et qui tient autant du défouloir assumé que de la réflexion sur la représentation et le discours. En cela Rodrigo Garcia reste cohérent au risque de l’incompréhension. Dans 4 on y entre et sort. On y prend ce qu’on veut, ce qu’on peut. Au centre du plateau un immense savon de Marseille trône sur lequel bientôt deux acteurs se jetteront et s’enduiront. C’est un peu ça l’impression générale, cette création nous glisse entre les doigts. Mais elle décape.

4
Texte, espace scénique, mise en scène de Rodrigo Garcia
Avec Gonzalo Cunill, Nuria Lloansi, Juan Loriente, Juan Navarro, et la participation en alternance  des petites filles Flavia Lesur, Ines Ben Dakhlia et Sarah Nkiele Atypo-Chiche
Vidéo, Ramon Diago, Daniel Romero
Son, Daniel Romero, Serge Monségu
Scénographie Lumière, Sylvie Mélis
Assistant à la mise en scène, John Romao
Costumes, Marie Delphin

Du 12 au 22 novembre 2015 à 20h30.
Le jeudi à 19h30, le dimanche à 16h30

Théâtre des Amandiers de Nanterre
7, avenue Pablo Picasso
92022 Nanterre
Réservations : 01 46 14 70 00
www.nanterre-amandiers.com

Be Sociable, Share!

comment closed