Entretiens // Rencontre avec Sabine D’Halluin, directrice artistique et metteuse en scène de la Cie Les Toupies

Rencontre avec Sabine D’Halluin, directrice artistique et metteuse en scène de la Cie Les Toupies

Nov 02, 2015 | Commentaires fermés sur Rencontre avec Sabine D’Halluin, directrice artistique et metteuse en scène de la Cie Les Toupies

entretien de Camille Hazard

sabine_dhalluinLes 9 et 10 octobre derniers, nous avons découvert, au Théâtre de Ménilmontant, un spectacle imaginé et créé par la Cie Les Toupies et leur troupe Les Mines de Riens, en partie composée d’acteurs en situation de handicap.

Le tour de force du spectacle est de laisser l’espace et la parole entièrement libres aux comédiens. Les différents tableaux offrent une galeries de personnages parfois très drôles et la poésie rayonne tout du spectacle.

 J’y suis, t’y restes ?  est le dernier spectacle de la troupe Les Mines de rien.

Comment est née cette troupe au sein de la Cie Les Toupies ?

Sabine D’Halluin : En 2008 cela faisait déjà quatre ans que nous proposions des ateliers et des stages de pratiques artistiques ouverts à tous. Un petit groupe de nos participants a eu envie d’aller plus loin, de jouer dans de « vrais » théâtres et devant un public large. C’est ainsi qu’en septembre sont nés les Mines de Rien. A mon grand plaisir je dois dire car j’avais dans un coin de la tête et du cœur ce rêve de créer une telle troupe théâtrale.

Quels ont été les temps forts depuis la création de la troupe ?

Affiche_Jysuis_webSH : Chaque nouvelle création a ses particularités, son parfum propre. Il y a eu beaucoup de temps forts : des moments de recherche loufoques ou pleins d’émotions, des partages de fous rires, des « resserrages de boulons » aussi et le trac des « premières » : Est-ce que le public sera au rendez-vous du spectacle ?…

Il y a eu le parrainage de François Cluzet et sa venue au théâtre de la Ferronnerie pour Rêves de Comptoir, son soutien continu et sa présence, rare mais fidèle au delà des années.
La présence de Rachel, mais aussi de Clara, d’Arnaud… De tous ceux qui ont participé et ont nourri l’aventure un moment.

Le jour où nous sommes allés jouer à Nantes pour nos mécènes de la Solidaire du chocolat : Prendre le train ensemble et nous croire en grande tournée internationale !

Le jour où nous avons démarré les actions de sensibilisation à la mutuelle Mutex… La fois où nous avons pu payer les acteurs et leur donner une fiche de paye de comédien.

Y a-t-il une façon différente d’aborder le processus créatif avec les comédiens en situation de handicap ?

SH : Je ne sais pas, je ne sais plus… Aujourd’hui je pense que cette aventure nous amène au cœur du vivant ! On ne peut pas se raccrocher à des formes préexistantes, ni à des choses que l’on sait ou que l’on sait faire. L’écoute du moment présent et l’attention à ce qui surgit brusquement ou s’invite tout délicatement sont devenues notre seule feuille de route. Nous sommes un peu comme un équipage de voilier partis explorer le monde sur notre esquif, dépendants les uns des autres, des vents du large et de la mer qui nous porte. Si le cap est maintenu vers un univers invisible, nous rencontrons en chemin de nombreuses terres accueillantes ou hostiles. L’essentiel est cette quête commune, ce voyage ou tour à tour nous sommes forts et faibles, aimables et bourrus, droits et tordus, perdus ou confiants… Nous-mêmes, juste des humains.

Quel est votre plus beau souvenir de plateau avec la troupe Les Mines de Rien ?

SH : Difficile à dire… Deux me viennent à l’esprit : dans Passages, la pièce se terminait quand le personnage de Rafaël, MrR, passait la porte. S’il ne la passait pas, le spectacle reprenait du début, se décalant et s’accélérant de plus en plus comme une spirale. Or, à Nantes, à la fin de la première boucle, au bout de vingt minutes, Rafaël a passé la porte. La règle du jeu voulait que le spectacle se termine là. Catastrophe ! Les spectateurs étaient suspendus à la suite… Isolé tout en haut en régie, Thomas, aux manettes du son et de la lumière, ne savait pas si on arrêtait là ou pas… J’étais dans la salle, atterrée à l’idée que le public allait repartir déjà. J’ai écouté l’instant : la tension était palpable. Que va-t-il se passer ? Et j’ai tout bêtement interrogé tout haut : Alors ça se termine là ? On s’en va ?… Mais Cyril a pris la place de Rafaël et s’est allongé à sa place pour un deuxième « tour de la spirale », les autres comédiens ont compris et se sont placés pour reprendre. Rafaël, qui s’était mis tout seul « hors jeu » est revenu au bout de quelques minutes, (un peu vexé je crois)… Les spectateurs ont tous cru que ce moment était prévu !
L’autre souvenir, c’est Maryse qui me l’a raconté. Un soir de représentation, au moment de saluer, la timide et toute pliée Ashley a redressé la tête, l’a posée sur l’épaule de Maryse en lui disant « Je suis heureuse ».

La Cie des Toupies est à l’origine de plusieurs initiatives artistiques, pédagogiques et sociales en Île-de-France. Quel(s) engagement(s) les relie(nt) ?

SH : Je vais vous répondre par une citation car Vaclav Havel écrit vraiment ce qui relie nos actions et ce qui fait nos valeurs. Et je ne suis pas certaine d’avoir des mots plus justes…

« Dans la civilisation déshumanisante et technique d’aujourd’hui, le théâtre est un des ilots importants de l’authenticité humaine. Il est précisément, si ce monde ne doit pas mal finir, ce qu’il faut absolument défendre et cultiver. Après tout le retour d’une subjectivité humaine irremplaçable, d’une personnalité humaine concrète bref, de la conscience humaine, est ce dont le monde de méga machines et de méga bureaucraties anonymes a besoin. Seul l’homme avec sa responsabilité renouvelée et son sens des concordances peut faire face aux dangers qui menacent le monde et aucun réseau d’ordinateurs, les plus sophistiqués soient-ils, ne peut se substituer à lui. L’espoir du monde repose sur la réhabilitation de l’être humain.

Le théâtre, il est vrai, n’est pas seulement une forme d’expression parmi d’autre. Il est la seule expression où l’homme s’adresse à un autre homme, chaque jour, maintenant et sans arrêt. Grâce à cela le théâtre n’est pas uniquement un lieu où l’on raconte des histoires. Il est le lieu de rencontres entre les hommes, un espace de l’existence humaine qui se dépasse pour témoigner sur le monde, sur elle-même : il est un lieu de dialogue vivant, unique et inimitable qui parle de la société et de ses tragédies, de l’homme, de son amour, de son mal et de sa haine. Le théâtre est un foyer de la communauté humaine, le point de cristallisation de sa vie spirituelle, c’est un espace de sa liberté et de son contentement. (…) Si le théâtre est le lieu de communication libre entre les hommes libres sur le mystère du monde il montre la voie qui mène à la tolérance, au respect mutuel, au respect du miracle de l’être. »

« Le théâtre, ultime scène du dialogue », Václav Havel, écrit à propos de la journée internationale du théâtre.

Compagnie Les Toupies
Les Mines de rien
www.compagnielestoupies.org

J’y suis. T’y restes ?
Mise en scène Sabine D’Halluin
Musique Didier Moreira
Arts plastique François Penaud
Danse Coralie Banchereau
Lumières Thomas Gonzalvo
Assistantes Caroline Raab, Maëli Barennes

Avec Cyril Adida, Coralie Douville, Maryse Khoutmann, Pauline Legros, Rafaël Mendes, Didier Moreira
 
Les 27 & 28 novembre 2015 à 20h00
La Ferronerie
Centre d’animation Montgallet
4, passage Stinville – 75012 Paris
M° Montgallet
Réservation 01 43 41 47 87
www.claje.asso.fr

Les 11, 12 & 13 décembre 2015
MPAA Auditorium Saint-Germain
4, rue Félibien – 75006 Paris
M° Odéon
Réservation 01 46 34 68 58
www.mpaa.fr

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