Critiques // Onomatopée, création de tg Stan, De Koe, Dood Paard, Maatschappij Discordia, Théâtre de la Bastille, Festival d’Automne à Paris

Onomatopée, création de tg Stan, De Koe, Dood Paard, Maatschappij Discordia, Théâtre de la Bastille, Festival d’Automne à Paris

Oct 23, 2015 | Commentaires fermés sur Onomatopée, création de tg Stan, De Koe, Dood Paard, Maatschappij Discordia, Théâtre de la Bastille, Festival d’Automne à Paris

ƒƒƒ article de Denis Sanglard8-ono3

© DR

Onomatopée où comment cinq zigues déchaînés vous ravagent un plateau et le langage. Au risque de déstabiliser un tant soit peu le spectateur. Soit cinq comédiens merveilleusement complices issus de quatre compagnies flamandes et néerlandaises dont tg Stan et De Koe. Auxquelles il faut donc rajouter Dood Paard et Maatschappijj Discordia. Pour qui connaît tg Stan, cela peut sembler à un singulier pas de côté, voir un grand écart. En fait, non. C’est pousser plus loin encore le bouchon et voir s’il flotte encore. Il s’agit bien de renverser les perspectives, celles du théâtre et du langage, et d’intégrer le spectateur un peu inquiet de prime abord dans le processus de la représentation. Pour ce faire, c’est sur le plateau, le nez collé aux comédiens, que nous nous installons. Comédiens en pleine conversation où il est question de thé, de menthe et de sucre. Conversation qui frise l’absurde, où chacun suit son sujet sans jamais le lâcher, dans ce décor incongru de bar de fin du monde bricolé de bric et de broc où les objets sont hors d’usage ou boiteux et franchement inutiles. Les comédiens en garçons de café improbables, débraillés et fatigués, aux vestes cradingues, vous accueillent sans cérémonie et n’interrompent pas pour autant leur conversation. Elle se déroule, de plus en plus folle, de plus en plus absconse. « On commence quand ? » devient un leitmotiv, bientôt un gimmick qui dissimule mal une inertie patente et volontaire. De toute façon la feuille de route, l’itinéraire de ce travail collectif, déroulée mécaniquement par l’un d’entre eux, entre borborygmes et accent à couper au couteau, était proprement incompréhensible…On passe du français au néerlandais, de l’allemand à l’anglais. Les sous-titres suivent comme ils peuvent. Et nous avec. Cela vire bientôt au burlesque, au jeu de massacre. Dialogues de sourds, monologues verbeux, incompréhensions, quiproquos, engueulades sèches, réponses policées sur des sujets aussi futiles et récurrent donc que l’origine du sucre ou la quantité de menthe fraîche à ajouter dans ses tasses minuscules qu’ils tiennent aussi délicatement qu’ils broient la conversation et démantèlent le plateau. On saute du coq à l’âne allégrement tout en dézinguant joyeusement le décor déjà branlant. (Méfions-nous des perceuses, elles demandent une maîtrise aussi grande que celle de la conversation). Car c’est bien de ça dont il s’agit, mettre à nu le langage, ses tics et le toc, le foutre à poil pour qu’il n’en reste rien ou si peu. Démantibuler les mécanismes de la conversation. Bientôt on ne parle plus, on braie, on bêle, on aboie. On se tait enfin. Si peu. Cela semble complétement fou, improvisé mais c’est d’une totale maîtrise dans le n’importe-quoi. C’est totalement foutraque, ça tient du happening, de la performance dada avant de finir en mini festival de poésie mimi. Car il n’y a pas que le langage qui est mis à la question. La théâtralité aussi quand elle tient du foutage de gueule. Et c’est justement dans ce numéro d’équilibriste qu’ils montrent tout leur brio, leur maîtrise, à rester sur une crête ténue où l’on ne sait plus très bien à quoi s’en tenir entre fumisterie et folie furieuse. C’est dans ce léger décalage qu’ils offrent une brèche dans laquelle on s’engouffre à notre tour pour se laisser aller dans cet improbable foutoir, cet espace de liberté offert. C’est sûr, quelques esprits chagrins ne vont pas s’y retrouver à prendre ça au premier degré. Qu’on ne s’arrête pas à la forme, aussi superbement libre et foutraque semble-t-elle, le rire qui résonne dans la salle n’est pas dupe de ce qui se joue réellement. Il y est aussi question de solitude et d’incompréhension. Les belges sont un peu triste aussi, parfois. Mais il est rare, et bon, que des comédiens s’octroient une telle liberté sans renoncer à leur savoir-faire. Alors oui, ce bœuf faussement improvisé, véritablement et furieusement hilarant, est à découvrir, ne serait-ce que pour son véritable propos, révolutionnaire, résumé sur le calicot qui surplombe le décor : « Le geste spontané a disparu de la sphère néolibérale que actuellement la société est (bon gré mal gré) devenue à l’heure actuelle ».

Onomatopée
De et par ordre d’arrivée en scène : Gillis Biesheuvel, Matthias de Koning, Damiaan De Shrijver, Willem de Wolf et Peter Van Den Eede
Traduction en français de Martine Bom
Traduction en anglais de Paul Evans
Traduction en allemand de Christine Bais

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris
Du 19 octobre au 6 novembre 2015 à 20h
Relâche le 24/25, 31 octobre et le 1er novembre
Réservations : 01 43 57 42 14
www.théâtre-bastille.com

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