Critiques // « 2084, Un Futur Plein d’Avenir », un spectacle pour enfants de Philippe Dorin

« 2084, Un Futur Plein d’Avenir », un spectacle pour enfants de Philippe Dorin

Déc 05, 2010 | Aucun commentaire sur « 2084, Un Futur Plein d’Avenir », un spectacle pour enfants de Philippe Dorin

Critique de Pauline Decobert

La compagnie Flash Marionnettes nous propose un voyage dans le futur en nous mettant en garde dès le début : il faut accepter d’y croire pour le vivre.
Si le texte de Philippe Dorin fait bien sûr allusion à la fameuse oeuvre de George Orwell, «1984», il s’en distance pourtant véritablement. La crainte de l’avenir reste le thème central du spectacle, mais il s’agit ici de l’affronter de plein fouet, cette peur qui grimpe à notre époque. La compagnie Flash Marionnettes nous apprend à en rire, à en rire de bon cœur sans ironie pour mieux nous en défaire.

© Michel Klein

Éloge de la Différence

Ce spectacle est une création à proprement parler : Philippe Dorin ne reprend pas l’histoire de « 1984 », son texte est d’aujourd’hui. Il n’y a d’ailleurs pas « une » histoire : les scènes se suivent mais ne se ressemblent pas toujours. On part à la rencontre de personnages qui sortent parfois de nulle part, et on se laisse charmer par la curiosité. Des robots s’entretiennent dans une langue d’abrégés et d’initiales, trois personnages numérotés et d’aspect indifférencié (contrairement aux robots qui ont leur caractère !) font des apparitions régulières, un monstre à tête de diable s’entretient avec une sorte de lutin touffu, etc. Il faut s’ouvrir à un monde imaginaire, à la fois enfantin et ancré dans la réalité actuelle. Tous semblent chercher à éliminer la différence. Mozart lui-même se fera dépouiller de son propre talent, et de son nom, pour devenir Momo. Les robots martyrisent le plus faible, les numéros 3 et 5 forcent le numéro 11 à se suicider encore et encore parce qu’il veut être seul ou parce qu’il se sent manipulé. Il y a d’ailleurs un jeu entre la manipulateur et le manipulé, l’un des marionnettiste se fera même licencier par sa propre marionnette, et se verra remplacé par une puce appelée « le Manipulator ». Mais qui est Big Brother ?

© Michel Klein

Le rire c’est un bifteck !
ou Faire fi du désespoir

Le rire est véritablement ce qui nourrit ce spectacle, même si certains moments sont plus émouvants. La mise en scène d’Ismaïl Safwan, qui reste à la fois sobre et signifiante, laisse sa part à l’imagination. Un socle noir suffit à se transformer en falaises à pic, en trône, ou en piste pour robots à roulettes. Et Ismaïl Safwan frappe fort d’entrée de jeu en parodiant le final de « 2001, l’Odyssée de l’Espace » de Stanley Kubrick. Il relève un réel défi, car qui n’a pas déjà parodié ce chef-d’œuvre ? Mais il le fait bien et réussit à nous faire gondoler de rire, avec un humour franc et sans sarcasmes. On devine un monde entier dans les recoins de l’obscurité, d’où débarquent les personnages comme si de rien n’était. C’est un autre quotidien qui se laisse visiter. Les trois marionnettistes savent parfaitement s’effacer ou se mettre en lumière aux bons moments. Philippe Dorin a su conserver l’un des éléments forts de l’œuvre d’Orwell : si cette œuvre est bouleversante, ce n’est pas parce qu’elle brosse un portrait infect et sans espoir du futur, mais parce qu’elle nous rapproche de ce que l’on a déjà et que l’on pourrait oublier sous le poids de l’angoisse. L’amour et la différence sont montrés avec chaleur et sans niaiserie. On s’amuse à faire fi du désespoir. Ce spectacle a le grand mérite de nous sensibiliser à ce qui est bien loin d’être dans les priorités politiques de notre époque douloureuse.

2084, un futur plein d’avenir
Pour tous à partir de 9 ans
Texte : Philippe Dorin
Mise en scène, musique : Ismaïl Safwan
Marionnettes : Michel Klein
Avec : Vincent Eloy, Vanessa Rivelaygue, Marie Seux
Scénographie : Fabienne Delude
Son, régie : Pascal Grussner, Mehdi Ameur
Costumes : Rita Tataï, assistée de Keiko Mori
Peinture, accessoires : Jaime Olivares
Construction : Jean Von Cramer, assisté de Christian Rachner, Quentin Bonnefoy

Du 3 au 19 décembre 2010

Théâtre de l’Est Parisien
159 avenue Gambetta, 75 020 Paris – Réservations 01 43 64 80 80
www.theatre-estparisien.net

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