Critiques // Critique • « ±0 » de Christoph Marthaler au Théâtre de la Ville / Festival d’Automne

Critique • « ±0 » de Christoph Marthaler au Théâtre de la Ville / Festival d’Automne

Sep 21, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « ±0 » de Christoph Marthaler au Théâtre de la Ville / Festival d’Automne

Critique de Denis Sanglard

Un suisse au Groëland. Christoph Marthaler donne dans la fable écologique. Enfin, presque. + ou – zéro, qui donne son titre à cette nouvelle création, c’est le point particulier où tout peut basculer et de façon réversible. L’eau se transformer en glace et réciproquement. Instant fragile donc pour un pays de glace, capitale Nuuk, menacé par le réchauffement climatique. Mais c’est aussi le degré de cette mise en scène. Et ses limites. Dans un no man’s land, gymnase ou base polaire on ne sait pas très bien, une poignée de personnages vont et viennent, parlent peu et par bribes, s’agitent brièvement, lisent. Et chantent, beaucoup, tout le temps, en solo ou en chœur. Classique ou inuit, la musique est un moment de rassemblement et de résistance devant la vacuité qui les cerne. Mais l’ennui qui les traverse, nous traverse aussi. Il ne se passe strictement rien sur le plateau. Ou rien qui nous soit intelligible, dans une succession de tâches monotones qui parfois dérapent dans l’absurde. Et le peu d’action, aussi incongrues soient elles, est toujours avorté. La dérive de ce continent n’a d’égal que la dérive de ses personnages enclos. Nous, spectateurs, nous flottons, tels des icebergs suivant le courant. On ne sait pas très bien où l’on va ni ou va le metteur en scène.

© Bo Kieffel

Il y a quelques bonheurs, c’est vrai. Une certaine cocasserie, des décalages réjouissants, une poésie loufdingue. Où des portables trouvent enfin leur utilité en palet de curling. Un mystérieux congélateur semble avoir une importance que nous ignorons. Un haut parleur posé au sol interpelle, dialogue et soliloque avant de se suicider dans une indifférence totale. Le temps parfois bégaye et les scènes se répètent intimées par une sonnerie stridente qui rappelle tout le monde à l’ordre. Mais il faut attendre la toute dernière scène, sans doute la plus forte et la plus poignante, pour entrevoir clairement le propos. Une conteuse inuit raconte une histoire (non sous-titrée, cela est dommageable) et soudain nous entendons des gouttes d’eau : la fin programmée de ce continent ne peut qu’entraîner la fin d’une culture déjà largement en danger. Mais cela ne suffit pas. Ou du moins cela pourrait suffire mais demande au spectateur une disponibilité qu’il n’a pas toujours ou qu’il n’a plus, épuisé par cette création de deux heures quinze où le vide fait le plein et vous absorbe littéralement. Parfois même nous regrettons de ne pouvoir faire comme l’un des personnages qui semblant n’en plus pouvoir se jette contre un mur ad-nauseam. La catatonie qui règne sur le plateau est par trop contagieuse. Trop pour sans doute pouvoir juger de cette mise en scène à sa juste mesure, plombée par son originalité même. Le paradoxe d’une mise en scène qui se retourne contre elle même.

± 0
– Allemand, Groenlandais, Français et Anglais surtitré –
Mise en scène : Christoph Marthaler
Avec : Marc Bodnar, Raphael Clamer, Bendix Dethleffsen, Rosemary Hardy, Uelli Jäggy, Jurg Kienberger, Gazzaalung Qaavigaq, Sasha Rau, Bettina Stucky, Nukâka Coster, Waldau
Décors et costumes : Anna Viebrock
Direction musicale : Rosemary Hardy
Piano : Bendix Dethleffsen

Du 16 au 24 septembre 2011
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h
Dans le cadre du
Festival d’Automne à Paris

Théâtre de la Ville
2, place du Châtelet, Paris 4e
Métro Châtelet – Réservations 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

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