Critique de Solveig Deschamps
Hip-hop
« Cloaque boueux devant l’entrée du bâtiment, Moussa soulève les pans de son pantalon, slalom souple entre les flaques, hop. Il en rate une, les beaux souliers vernis, 750 dinars, plongent. »
Moussa Massy, jeune chanteur kabyle, rêve d’être une star, le nouveau Michael Jackson. Difficile d’être une étoile quand on vit dans une cité de la banlieue d’Alger, difficile de survivre dans les années 90 en Algérie avec la montée du FIS (Front islamique du salut) qui va engendrer une guerre civile faisant des dizaines de milliers de morts. Moussa, il les déteste les barbus, lui, il veut chanter, aimer, vivre.
Energie débordante comme chez les adolescents qui veulent refaire le monde
À jardin et cour des projecteurs, en fond de scène un rideau de Music Hall, sur le plateau nu Pauline Deslin et Farid’O s’offrent à nous entre Hip-hop et danse contemporaine. Ils sont beaux, généreux, ils vont bien ensemble. Lui, c’est Moussa qui nous livre son histoire, oscillant entre « l’ivresse physique » et les mots, on aimerait qu’il ait la même énergie que lorsqu’ il danse mais notre oreille se veut bienveillante d’autant que l’on ne sait pas d’où lui vient ce souffle qui ne s’essouffle jamais et que c’est magique. Elle, c’est les autres, tous les autres et même un peu l’ombre de Moussa, un peu magique elle aussi. Lumières en figures géométriques : les ronds de la poursuite, les rectangles des immeubles. Composition musicale d’Omur H qu’on aurait souhaité plus décalée, plus authentique, plus en abîme.
C’est la faute au texte
Aziz Chouaki est arrivé en France en 1991 et depuis ses textes traversent les scènes de théâtre notamment à Nanterre dans des mises en scène de Jean-louis Martinelli (les coloniaux, la virée). Il publie « L’étoile d’Alger » en 1998. Est ce l’adaptation qu’il a faite de son roman qui ne fonctionne pas? À moins que les mots se soient laissés piéger par la petite histoire : Moussa et son rêve, Moussa avec sa bien aimée, Moussa et la dope, Moussa et Alger qui gronde, Moussa contre l’intégrisme, Moussa qui s’expatrie, Moussa et la prison, Moussa qui se convertit et pire.
On aurait aimé que Farid’O se confronte à une écriture forte (comme celle de Koltès qu’il a déjà portée sur le plateau en 2004 ou celle de Robert Schneider en 2006), à une écriture moins anecdotique, une écriture qui ait autant de corps que les deux interprètes.
Parfois, on se gâche un peu en ne montant pas les bons textes et ça fait rager les spectateurs. C’est un peu comme s’il suffisait de regarder le journal télévisé pour être informé.
L’ÉTOILE D’ALGER
Roman et adaptation, dramaturgie : Aziz Chouaki
Chorégraphie et mise en scène : Farid Ounchiouene
Direction d’acteurs : Anne Conti
Avec Farid Ounchiouene et Pauline Geslin
Composition musicale : Omur H.
Création vidéo : Gaëtan Besnard
Vidéo : Mehmet Arikan
Création et régie lumière : Vincent Lallement
Régie son : Emmanuel Gautiez et Ali Hemissi
Du 14 au 26 février
Du mardi au vendredi 20h – samedi 19h – dimanche 16h
Maison des métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris 11e
Métro – Couronnes – Parmentier – réservation au 01 48 05 88 27
http://www.maisondesmetallos.org/