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Zonder, un projet d’Ayelen Parolin, Atelier de Paris/ CDCN – Festival June Events

Juin 18, 2024 | Commentaires fermés sur Zonder, un projet d’Ayelen Parolin, Atelier de Paris/ CDCN – Festival June Events

 

© Vince

fff article de Denis sanglard

 

En travaillant sur la figure de l’Idiot, Ayelen Parolin s’affranchit de nouveau de toutes normes. Pour une liberté chorégraphique absolue, un art du chaos savamment orchestré, une innocence retrouvée. S’emparant avec jubilation des figures de style des grand chorégraphes, vocabulaire ébauché, fragmenté, du classique au contemporain et la liste est longue des emprunts détournés, comme des figures sportives également, qu’elle ne parodie nullement mais qu’elle exécute, au double sens du terme, Ayelen Parolin se foutant bien du quand-dira-t-on envoie tout péter dans un joyeux jeu de massacre ou plus rien, de la danse à la musique et au décor ne résiste à cette entreprise de démolition générale. L’idiotie n’étant qu’un prétexte, un faux-nez pour affirmer une chose toute bête, la plaisir pur de danser jusqu’à la stupéfaction ou le plaisir sinon le ravissement d’avoir réalisé, réussit à faire ça, puis ça, et encore ça, spontanément, sans réfléchir. Laisser place à l’imprévisible, au hasard, suivre son corps penser et faire, décider au fil de l’eau sans savoir où il vous mène, se ficher comme de l’an quarante de l’à-peu-près et du regard porté sur ce travail improbable et de son résultat. Ou bien en toute conscience et avec application suivre une chorégraphie imposée, réaliser des figures sans trop y croire, sans savoir bien pourquoi. Mais faire, quand même. Et c’est dans ce jeu de bascule entre ces deux pôles que se construit cette pièce inclassable, que nait l’incongruité, l’absurde et jaillit le fou rire. Il y a du Becket là-dedans, du « rater encore, rater mieux », avec obstination forcenée et constance. Il faut regarder attentivement le visage de ces trois qui, en panique, sur le plateau dans un train d’enfer et au risque de se perdre mènent la danse sur des sentiers non balisés, semés d’embûches, visages stupéfaits et ahuris d’être là, à guincher avec application, lever la jambe, sauter comme des cabris, tenter de se rappeler ce qu’il y a faire, se planter, jubiler de réussir plus ou moins, et finir par tout faire valser. Sur Le Beau Danube bleu justement, cette scie musicale sabotée, elle aussi massacrée, chantonnée faux, hurlée avant que la musique ne prenne le relai en hoquetant elle aussi. Sur le plateau c’est la folie qui règne bientôt et plus rien ne lui résiste. Dans les pièces précédentes quelque chose s’annonçait, grondait, qui trouve ici son apogée. Weg voyait une pianiste massacrer allégro son piano et les danseurs empêtrés dans une chorégraphie qu’ils ne semblaient pas maîtriser, Simple la destruction d’une structure de bois patiemment montée et des danseurs tout aussi désorientés, Zonder parachève le tout, c’est la chorégraphie elle-même qui est mise sur le billot et tout l’appareil scénographique avec, des planches au rideau de scène. La danse toute nue. Derrière le burlesque et la farce se niche la métaphore d’une déconstruction plus générale et subversive. Mais cette irrévérence et cette extravagance charpentée et joyeuse n’est en aucun cas une attitude provocatrice. Au contraire, c’est sans nul doute recentrer sévèrement la danse, lui octroyer une place désincarcérée de ce qui l’empêche d’atteindre le plus grand nombre dans sa pratique et son approche. Une ode aux amateurs ? peut-être bien. Ayelen Parolin nous autorise, nous aussi, à oser la danse, sans inhibition aucune, en toute insolence. Cette entreprise de démolition n’est rien de moins que la tentation de créer un autre rapport à la danse, « remettre en question les convenances ou conventions idéologiques, esthétiques et politiques ». L’anarchie en somme, c’est-à-dire l’ordre moins le pouvoir, dans un laisser-faire jubilatoire loin du n’importe-quoi, qui n’est rien de moins que de remettre, décorseté, le vivant dans sa toute sa diversité, toute sa complexité et richesse sur un plateau sans jamais omettre cette notion toute bête du simple plaisir. En cela Zonder est encore une fois, comme pour Simple, une entreprise de démocratisation.

 

Zonder, un projet d’Ayelen Parolin

Crée et interprété par Naomi Gibson, Piet Defrancq, Daan Jaartsveld

Collaboration artistique : Julie Bougard

Direction technique et création lumière : Laurence Halloy

Scénographie et costumes : Marie Szersnovicz

Création sonore : Julie Bougard d’après Le beau Danube bleue de Johann Strauss

Régie lumière : Laurence Halloy ou Gaspard Schelck

Régie plateau et régie sonore : Ondine Delaunois

Dramaturgie : Olivier Hespel

Préparation de travail : Daniel Barkan, Alessandro Bernardeschi, Michael Schmid

 

Vu le 8 juin 2024 au Théâtre de l’Aquarium

 

Cartoucherie de Vincennes

Rte du champs de manœuvre

75012 Paris

 

Atelierdeparis.org

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