ƒƒ article de Victoria Fourel

© Pierre Grosbois

Être enfant, c’est des tas de choses. C’est les repas, c’est les accrochages marrants entre les parents, c’est les odeurs et les photos. Mais Zohar découvre que c’est aussi parfois devoir grandir trop vite. À la mort de son père, elle doit trouver sa place entre le souvenir indélébile, et le besoin d’avancer, d’aller de l’avant.

Dans une mise en scène brillante, à la fois intelligente et tendre, Laurent Gutman propose un spectacle qui explore la difficulté à se trouver dans les tempêtes de la vie. Il y a de beaux moments de théâtre, amenés notamment par le décor de la petite maison chaleureuse de l’enfance. Il y a un ton formidable, qui parle aux enfants, sans jamais pour autant singer ni surjouer la petite fille ou la mère. Le sujet, important, interroge le parcours des petits face à des choses immenses pour leurs yeux. Doit-on s’enfermer dans le souvenir, ou passer à autre chose au plus vite, effacer ce qui reste, et vivre ? La pièce va jusqu’à utiliser une « fontaine à oubli », pour représenter la tentation de tout laisser de côté. Ainsi, le spectacle sera sans nul doute sujet à de nombreux débats et cause déjà de beaucoup de réactions savoureuses des enfants.

Le réel sujet de désaccord que l’on peut soulever, c’est le propos même de la narration. D’un côté, Zohar refuse de vivre sans évoquer sans cesse son père, et en vient même à voir son fantôme. De l’autre, sa mère la pousse à abandonner le passé perdu. À ceci s’ajoute un beau-père odieux, assez caricatural, proche des meilleures marâtres, genre Cendrillon. Le sujet et la forme sont passionnants, essentiels, et donc aurait nécessité davantage de subtilité. Le spectacle aurait ainsi mieux parvenu à ouvrir le débat et l’imagination autour du deuil, de l’entrée dans l’âge adulte, de la place de la mémoire. Ici, on ne sait plus ce qu’il faut comprendre, et ce qui reste, en sortant. La réponse, si réponse il y a, n’est pas très claire.

Ainsi donc, on sort sans l’enthousiasme de la vie à venir qu’on espérait, malgré toute la poésie de ce spectacle qui, comme son héroïne, oscille entre enfance et âge adulte. On est pourtant charmé à l’idée que ces choses soient racontées aux enfants, qu’elles donnent à penser et à rêver sur ce qui n’est pas très souvent exploité au théâtre : on est déjà grand quand on est petit.

Zohar ou la carte mémoire
Texte et mise en scène Laurent Gutman
Avec Elsa Bouchain, Fabien Aïssa-Bussetta et Laureline Bris-Cep.

Du 14 octobre au 1^er novembre 2015
Les mercredis à 14h30, les vendredis à 19h, les jeudis à 14h30

Théâtre Paris-Villette
211, avenue Jean Jaurès – 75019 Paris
Métro Porte de Pantin (ligne 5) et tramway Porte de la Villette (ligne t3)
Réservation 01 40 03 72 23
www.theatre-paris-villette.fr

Be Sociable, Share!

•