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Zémire et Azor, comédie-Ballet de Grétry, livret de Marmontel, mise en scène de Michel Fau, à l’Opéra-Comique

Juin 27, 2023 | Commentaires fermés sur Zémire et Azor, comédie-Ballet de Grétry, livret de Marmontel, mise en scène de Michel Fau, à l’Opéra-Comique

 

© Stéphane Brion

fff Article de Denis Sanglard

Il était une fois… La belle et la Bête, conte popularisé par Madame Leprince de Beaumont. Que reprend en 1771 à son compte Marmontel, le transposant en orient, celui des Mille et Une Nuits, pour une comédie-Ballet composée par Grétry, créée par les interprètes de la Comédie-Italienne (qui quelques années plus tôt avait absorbée L’Opéra-Comique en difficulté). Nous voilà donc transporté dans le rouge Détroit d’Ormuz où La Belle est devenue Zémire et La Bête, Azor. A part ça, l’intrigue reste la même. Un marchand perse perdu trouve refuge dans un étrange château en apparence désert. Cueille une rose pour sa fille Zémire, qui ne demandait rien d’autre, provoquant l’ire du seigneur des lieux, être monstrueux, exigeant en réparation l’une de ses filles. Pour empêcher la mort de son père, Zémire accepte de se sacrifier. On connaît la suite…

Opéra-comique d’une grande poésie, drôle aussi, où le parlé-chanté dans son alternance et sa difficulté, un équilibre à trouver, a son importance pour la réussite de l’entreprise. Théâtre musical donc où l’association, l’alchimie pourrait-on dire ici, Louis Langrée à la baguette et Michel Fau à la mise en scène fait ici merveille et étincelles. Ajoutons à cela des interprètes se pliant à la chose avec un vrai talent, portés par une mise en scène brillante et sans esbrouffe, une direction d’acteur au cordeau, et l’enchantement, le merveilleux propre au conte vous transporte sans façon, avec bonheur.

C’est une partition éminemment théâtrale qui ne pouvait que séduire Michel Fau qui visiblement fait ici son miel d’une musique et d’une intrigue propre à toutes les audaces (tempête, apparitions et métamorphoses…). Mais son intelligence du plateau et de l’oeuvre fait qu’il s’interdit sciemment tout spectaculaire pour une épure, une stylisation poétique des indications et didascalies du livret – qu’il respecte cependant à la lettre – laissant ainsi toute la place à la musique suffisamment éloquente et d’une vraie richesse narrative dans sa simplicité et ses contrastes, au plus près des émotions traversées. Cette mise en scène en trompe-l’œil, plus sophistiquée qu’elle ne parait, se soumet ainsi de bonne grâce, sans échappée digressive, à la partition et au livret, au chant qu’elle révèle dans sa plénitude… Tout est avec grand soin et sciemment mis « à plat ». En privilégiant le face-public, dont il est coutumier, en évitant tout mouvement inutile ou parasite, en enfermant les personnages dans une boite (scénographie intelligente signé Hubert Barrère et Citronelle Dufay), Michel Fau crée avec originalité une succession de tableaux vivants, accusant avec malice la théâtralité accusée de cette opéra. Mieux même, les airs virtuoses donnés pour ce qu’ils sont, de la pyrotechnie, oblitèrent toute tentative de mise en scène réduite dès lors à sa plus simple expression. Le chant, rien que le chant. Ainsi regarde-t-on et écoutons nous cette œuvre comme on lirait un livre dont les pages, en relief, se tournent sur des illustrations simples et soignées accompagnant sans le trahir un livret dont la particularité est d’être en alexandrin. (Il faut ici souligner le travail sur les lumières et l’ombre qui dans cette scénographie quelque peu austère, du moins en apparence, ajoute aux atmosphères singulières de ce conte, à son aura de mystère, soufflant et le chaud et le froid.). Outre une direction d’acteurs au cordeau, volontairement libérés de tout effet opératique pour un jeu minimaliste, l’attention portée au dialogue qui avec fluidité, naturel, sans heurt, avec un certain lyrisme déclamatoire même, alternent avec le chant donne une juste et rare unité à l’ensemble. L’émotion, il y en a, vient aussi de là, de cette continuité jamais brisée dans l’alternance parlé-chanté propre à l’opéra-comique.

Dans la fosse Louis Langrée dirige avec une certaine jubilation l’orchestre Les Ambassadeurs-La Grande Ecurie qui lui répond avec le même enthousiasme. Une direction qui fait ressortir tout le nuancier poétique et dramaturgique de cette œuvre aux couleurs subtiles et changeantes. Louis Langrée ne retranche ni n’ajoute pour de cette partition rendre sa belle et chatoyante simplicité qui n’exclue pas une réelle complexité. Le plateau vocal est à l’avenant. Derrière son étonnante carapace d’insecte (on songe à La métamorphose de Kafka) dont l’ombre portée n’est pas sans faire penser non plus à Nosferatu, le ténor Philippe Talbot dont la voix assurée, le timbre clair, offre à son personnage une humanité blessée. Sahy Ratia, dans le rôle d’Ali ajoute à son aisance vocale une véritable aisance scénique dans un registre comique, contrepoint de Marc Mauillon dont la voix large et puissante et le jeu tragi-comique convient à Sander, le père de Zémire. Et si révélation il y a, c’est bien Julie Roset. Soprano à la voix aussi brillante et cristalline que sa robe (réalisée par la maison Lesage !) et dont le jeu tout en nuance jusque dans le chant vous laisse tout soudain pantois d’admiration (l’air de La fauvette, où la voix cascade et scintille, est dans son interprétation plus que du chant, il s’y mêle là aussi un art subtil dans l’incarnation). Margot Genet (Lisbé) et Séraphine Cotrez (Fatmé), les deux sœurs de Zémire sont idoine tant vocalement que dans leur rôle respectif qu’elles interprètent sans nul caricature. Soulignons quand même la parfaite diction qui font se passer des prompteurs… Et une mise en scène de Michel Fau ne serait pas complète sans l’apparition de Michel Fau qui s’octroie le rôle de la fée. Quatre ou six vers pour conclure cette œuvre mais des apparitions ponctuelles (tel Hitchcock), hilarante, et un ballet inénarrable ou son personnage de diva décalée danse telle une étoile égarée quelque peu sur le retour. Effet garanti dans le public. Lequel a longuement ovationné cette création enchanteresse au léger goût d’enfance, oui.

 

©

Zémire et Azor, comédie-ballet en quatre acte de Guétry

Sur un livret de Marmontel

Direction musicale : Louis Langrée ( 23, 25, 26, 28 et 29 Juin), Théotime Langlois de Swarte ( 1er juillet)

Mise en scène de Michel Fau

Décors : Hubert Barrère, Citronelle Dufay

Costumes : Hubert Barrère

Lumières : Joël Fabing

Assistant musical : Théotime Langlois de Swarte

Chef de chant : Benoit Hartoin

Participation à l’écriture chorégraphique : Alexandre Lacoste, Antoine Lafon

Assistant à la mise en scène : Mohamed El Mazzoudji

Assistante costumes : Angelina Uliashova

Avec Julie Roset, Philippe Talbot, Marc Mauillon, Sahy Ratia, Margot Genet, Séraphine Cotrez, Michel Fau

Danseurs : Alexandre Lacoste, Antoine Lafon

Orchestre : Les Ambassadeurs-La Grande Ecurie

 

Les 23, 26, 28 et 29 juin et le 1er juillet 2023 à 20h

Le 25 juin à 15h

 

Opéra-Comique

Place Boieldieu

75002 Paris

 

Réservations : 01 70 23 01 31

www.opera-comique.com

 

 

 

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