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Zazie dans le métro, de Raymond Queneau, mise en scène de Zabou Breitman à la MC 93 de Bobigny

Mar 15, 2024 | Commentaires fermés sur Zazie dans le métro, de Raymond Queneau, mise en scène de Zabou Breitman à la MC 93 de Bobigny

 

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

ƒƒƒ article de Sylvie Boursier

« Doukipudonctant !

 Barbouze de chez Fior »

C’est parti pour une folle journée vintage dans le Paname des rémouleurs, des poinçonneurs qui restent dans leur trou « à faire des petits trous… toujours des petits trous », sans effets spéciaux mais en chanson et en rythme. Zazie, vous connaissez ? Non, il ne s’agit pas de la célèbre chanteuse pop rock électro mais d’une sale gosse confiée à la garde de son oncle Gabriel, pour un week-end parisien et qui n’arrête pas de dire mon cul. Avec sept comédiens et six musiciens, Zabou Breitman adapte le texte de Raymond Queneau dans une comédie musicale qui fleure bon l’Opéra de quat’sous et Mackie-le-Surineur.

Sans jamais s’essouffler, elle dessine d’un trait assuré des personnages « cartoonesques », de vraies pastilles de bande dessinée : un inspecteur La verdure qui rappelle le regretté Jacques Legras des branquignols, à moins qu’il ne s’agisse d’un des Dupont de Tintin, Mado la rosière qui « essuie les verres au fond du café » comme Piaf, amoureuse de Marcelline mais contrainte à  « s’établir » (rappelons que dans les années soixante les  « hormossessuels » selon l’expression de Zazie, encouraient de lourdes peines d’emprisonnement). Ils croisent la route de touristes très « parapluies de Cherbourg » en ciré jaune, qui ne jurent que par la sainte Chapelle, d’un capitaine Haddock en meringue boursouflée d’évêque, les plus infimes silhouettes sont sculptées et font mouche dans une esthétique qui rappelle The grand Hotel Budapest de Wes Anderson.

La môme est jouée par la délicieuse Alexandra Datman, une jeune femme à la coiffure macaron et à la salopette de titi parisien, qui a l’abattage du rôle. Le placide Frank Vincent campe l’oncle Gabriel, une crème d’homme transformiste à ses heures. Tous les comédiens-chanteurs-danseurs jouent à plein le décalage, la loufoquerie des années 1960, la poésie, l’humour et la farce, sans édulcorer les préjugés et le conformisme d’une époque où les pères abusaient leurs filles impunément. Le film éponyme de Louis Malle gommait ces aspects pour passer le filtre de la censure mais Zabou Breitman restitue la verve subversive du texte originel. Zazie a échappé aux attouchements de son père, tué in extremis à coups de hache par sa mère, et aux tentatives de papouilles « zosées » de son beau-père.

Les chansons savamment mises en musique par Reinhardt Wagner sont épatantes, on a un faible pour Jeanne Lalochère, mère de Zazie qui chante  « Je vais prendre mes deux jambes à son cou, il paraît que c’est un sacré coup… me coller contre son corps de braise… par derrière, par devant », une sacrée chanson de jambe en l’air… tralalère, on adore aussi le blues du travesti Gabriel « où es-tu ma vie d’artiste ? Dans ce cabaret triste, dans ce trou à deux balles au parfum de Pigalle, je suis bien loin de celle qui me faisait rêver, je ne suis plus si belle, s’est brisée la poupée ».

Par-dessus tout il y a ce langage unique, à mi-chemin entre Céline et Audiard, un florilège cruciverbiste « quand c’est qu’elle va finir cette grève ? Je sais pas, je fais pas de politique », « tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire ».

L’interlope sans chi-chi, la java des faubourgs, la gouaille burlesque, la poésie des petits métiers qui ne connaissent pas la crise, bon, on arrête la réclame, ne boudez pas votre plaisir, ça fait du bien vous savez, merci à Zabou Breitman d’oser si joliment être inactuelle et merci à la Maison de la culture d’Amiens d’avoir soutenu ce projet à qui on souhaite de devenir culte comme le fut l’opéra rock Starmania !

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

Zazie dans le métro, de Raymond Queneau

Adaptation, scénographie et mise en scène : Zabou Breitman

Musique originale : Reinhardt Wagner

Lumières : Stéphanie Daniel

Chorégraphies : Emma Kate Nelson

Son : Unisson Design

Costumes : Agnès Falque

Perruques : Cécile Kretschmar

Avec : Alexandra Datman, Franck Vincent, Gilles Vajou, Fabrice Pillet, Jean Fürst, Delphine Gardin, Catherine Arondel

Musiciens : Fred Fall, Ghislain Hervet, Ambre Tamagna, Maritsa Ney, Scott Taylor, Nicholas Thomas

 

Crée à la Maison de la culture d’Amiens le 12 mars

Durée : 1h45

 

Du 20 au 23 mars 2024 à 20h, le samedi à 18h

 

Maison de la culture de Seine-Saint Denis

9 boulevard Lénine

93000 Bobigny

 

Réservations :

01 41 60 72 72

www.reservation@mc93.com

 

Tournée :

27 au 28 mars 2024 L’Azimut | Antony – Châtenay-Malabry (92)

3 et 4 avril 2024 Le Volcan – Le Havres (76)

10 au 13 avril 2024 Théâtre de Liège (Belgique)

16 au 18 avril 2024 l’Anthéa, Antipolis Théâtre d’Antibes (06)

24 avril 2024 l’Equilibre Nuithonie – Fribourg (Suisse)

2 et 3 mai 2024 à la Scène nationale Sud-Aquitain – Anglet (64)

14 et 15 mai 2024 à La Coursive Scène nationale La Rochelle (17)

22 au 25 mai 2024 au Théâtre national populaire – Villeurbanne (69)

 

 

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