À l'affiche, Critiques // Zauberland (Le pays enchanté), mise en scène de Katie Mitchell au Théâtre des Bouffes du Nord

Zauberland (Le pays enchanté), mise en scène de Katie Mitchell au Théâtre des Bouffes du Nord

Avr 09, 2019 | Commentaires fermés sur Zauberland (Le pays enchanté), mise en scène de Katie Mitchell au Théâtre des Bouffes du Nord

 

© Patrick Berger

 

ƒƒ article de Toulouse 

Une fois de plus Katie Mitchell bouleverse les codes de l’art lyrique. Ici c’est au travers des Dichterliebe de Schumann, seize lieders composés à partir des poèmes de Heinrich Heine, qu’une dramaturgie musicale opère, toute accompagnée de textes du célèbre dramaturge britannique Martin Crimp et mis en musique par Bernard Foccroulle. Étrange décalage, autant musical que littéraire, qui pourtant créé, par un jeu de ruptures violentes, des résonnances tout à fait intéressantes. On ressent, en effet, vivement la fracture qui se joue entre le romantisme du dix-neuvième siècle et la cruauté de notre monde contemporain. Car dans Zauberland nous suivons l’odyssée et le périple tortueux d’une femme migrante issue du Proche-Orient, qui attend une terre promise et s’échappe, à travers ces poèmes et ces envolées lyriques, vers le rêve d’un monde « enchanté », d’un « Yukali. » La violence du paysage contemporain, des villes bombardées, et des êtres aimés laissés pour mort la rattrape en permanence, et hante son esprit comme des fantômes n’étant pas prêts de s’en aller.

La mise en scène est ainsi efficace et présente une esthétique sobre qui fait de la scène un véritable espace mental à ciel ouvert, où nous plongeons activement dans la pensée de cette héroïne moderne. Les flash-back côtoient ainsi les fantasmes de notre imaginaire, les appréhensions d’un futur incertain, ou encore un passé comme un destin écrit à l’encre indélébile, et qui ne cesse de se rejouer. La dramaturgie est ainsi fragmentaire et architecturée comme une grande enquête à reconstituer. Cela a la force et le défaut d’éveiller l’imaginaire et l’analyse symbolique du spectateur, qui peut pourtant à certains moments se perdre, et fait de ce spectacle une œuvre à énigme trop décousue.

Il n’empêche que la soprano Julia Bullock, accompagnée brillamment par le pianiste Cédric Tiberghein, est une merveilleuse découverte à écouter. Son interprétation est d’une sensibilité rare, sans démonstration, mais tout en finesse et en subtilité. Une chanteuse que nous aurons plaisir à revenir applaudir.

 

© Patrick Berger

 

 

Zauberland, de Heinrich Heine et Martin Crimp

Musique Robert Schumann et Bernard Foccroulle
Mise en scène Katie Mitchell
Décor et costumes Chloe Lamford
Lumières James Farncombe
Assistants à la mise en scène Dan Ayling et Gilles Rico
Costumières Zeb Lalljee et Sabia Smith
Accessoiristes Fiona Albrow et Sarah Longson
Pianiste répétiteur/Chef de chant Bretton Brown
Stagiaire à la mise en scène Irene Yang
Remerciements à George Fletcher et Tom Mothersdale

Avec
Soprano Julia Bullock
Piano Cédric Tiberghien

Et
Ben Clifford, Natasha Kafka, ​David Rawlins, Raphael Zari​

 

Spectacle en allemand et en anglais, surtitré en français

Durée : environ 1h15 

 

Du 5 au 14 avril à 20h30

 

Théâtre des Bouffes du Nord

37(bis) boulevard de la Chapelle

75010 Paris

 

Réservations au 0146073450

www.bouffesdunord.com

 

Métro ligne 2, arrêt La Chapelle

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed