Critiques // YAKAMOZ, co-mise en scène de Benjamin Migneco et Arthur Baratin, Théâtre des Clochards Célestes, Lyon

YAKAMOZ, co-mise en scène de Benjamin Migneco et Arthur Baratin, Théâtre des Clochards Célestes, Lyon

Mai 04, 2024 | Commentaires fermés sur YAKAMOZ, co-mise en scène de Benjamin Migneco et Arthur Baratin, Théâtre des Clochards Célestes, Lyon

 

© Deniz Türkmen

ƒ article de Paul Vermersch

Yakamoz en turc est une créature marine unicellulaire qui émet de la lumière lorsqu’elle est stimulée.

La proposition attrape immédiatement par son aspect plastique immersif : on entre dans la pénombre de la petite salle des Clochards Célestes et tout de suite le plaisir de pénétrer quelque part ailleurs, l’odeur d’humidité, on entre déjà dans la fiction.

Une fable sans parole ou presque, qui raconte en un peu plus d’une heure la découverte par deux hommes d’un lieu clos hybride (à mi-chemin entre la grotte, et l’abris sous-terrain inondé). Au fur et à mesure que les deux personnages semblent avancer dans une quête dont l’objet reste plus ou moins vague tout au long du spectacle, le lieu se transforme et les objets sur le plateau redessinent de nouveaux espaces dans une atmosphère postapocalyptique.

L’aspect qui séduit le plus dans la proposition est pour moi évidemment son caractère immersif. Une scénographie très opérante dans ce qu’elle dit d’un lieu abandonné, des restes qui y ont été laissés, on perçoit très bien la dimension dystopique du propos, jusqu’au sol recouvert d’eau, le geste est abouti et assez radical. Les lumières tamisées qui forcent parfois à tirer l’œil, une création son qui reprend les codes de la grotte, qui propose des textures expérimentales avec une composition ambient, des personnages qui rentrent dans le dispositif avec des lampes frontales, on se raconte déjà le bunker abandonné, la situation apparaît clairement, et c’est assez joyeux. La théâtralité choisie est celle du cartoon, du gag, le jeu est épais et assez jouissif, les interprètes libres dans une forme grotesque, assumée, vivante : beaucoup de plaisir à regarder les figures se dessiner et à évoluer dans l’intrigue.

La forme explore pendant un moment cet espace fermé, mais la proposition se brouille rapidement. Les personnages essaient de sortir, échouent, s’endorment, puis comprennent qu’ils peuvent, en réalité, changer le lieu d’eux-mêmes en ré-agençant la scénographie. On passe alors sur un bateau, sur une mer agitée, dont ils manquent de tomber, puis encore un espace hybride pour finir ensuite sur la Lune ? Dans une atmosphère spatiale en tous cas. On aimerait pouvoir s’imaginer dans leur espace mental, on aimerait pouvoir se raconter une petite histoire à soi en fonction de ce que l’on perçoit au plateau mais justement ce que l’on voit sur scène, ce sont des signes très précis, qui ont l’air de faire sens en provoquant la progression de la fable, tout en restant peu clair pour le public. Au plateau, les efforts sont très grands pour figurer les nouveaux espaces, les modalités de passages d’un lieu à l’autre, comme s’il fallait que le public comprenne quand même. On saisit donc vaguement la progression de l’intrigue, mais finalement le choix d’un jeu muet ou en gromelots finit par desservir un peu la proposition. Malgré l’accumulation des signes sur scène et la volonté très nette qui tente de nous exposer la situation, elle demeure opaque.

Sur la plaquette la compagnie explique vouloir créer une forme qui permette à « chacun.e de se raconter sa propre histoire ». Que la forme raconte avec humour, par le grotesque, le gag, une situation très extrême c’est-à-dire deux hommes enfermés dans un climat visiblement de catastrophe, apparaît comme un projet loufoque et très excitant mais cette dimension « évocatrice » de la fable n’opère pas vraiment, au contraire, la précision de ce qui advient au plateau (qui va plus ou moins nécessairement de pair avec la théâtralité choisie) ramène à une réalité très concrète que le public est davantage amené à déchiffrer plutôt qu’à inventer, et c’est dans ce déchiffrement parfois difficile que finalement on perd un peu de vue le projet poétique.

 

© Deniz Türkmen

 

Yakamoz

Conception et jeu : Arthur Baratin et Benjamin Migneco

Création sonore : Benjamin Migneco

Création lumière : Remy Caillavet

 

Du 02 au 06 mai 2024

Jeudi, vendredi et lundi : 19h30

Samedi et dimanche : 16h30

Durée 1h10

 
Séance scolaire : Lundi 6 mai à 14h30

 

 

Théâtre des Clochards Célestes

51 rue des Tables Claudiennes

69001 Lyon

 

Réservation : 04 78 28 34 43

www.clochardscelestes.com

 

 

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