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Xenos, chorégraphie d’Akram Khan, à La Villette / Théâtre de la Ville Hors les Murs

Déc 16, 2019 | Commentaires fermés sur Xenos, chorégraphie d’Akram Khan, à La Villette / Théâtre de la Ville Hors les Murs

 

© Jean-Louis Fernandez

 

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Dernier envol pour le danseur Akram Khan. Un ultime solo flamboyant, tranchant, un manifeste vibrant et un adieu bouleversant à la scène. Une création engagée et sans concession, un devoir de mémoire, un corps devenu politique et l’expression d’une rage pour une réparation envers une injustice. Akram Khan offre un indispensable cénotaphe aux soldats inconnus, les cipayes, ces indiens des colonies de l’empire britanniques, paysans pour nombre d’entre eux, enrôlés de force dans un conflit, la guerre de 14/18, et oubliés de l’Histoire. Jetés vivants et morts dans le néant, hors d’une mémoire officielle, coloniale et raciste. Akram Khan rend justice à ces exclus, ces exilés contraints, devenus étrangers involontaires et laissés avec cynisme dans l’ombre d’une mémoire politique et collective, amnésique et xénophobe. Il signe une œuvre âpre et sombre, d’une poésie abrasive et tragique. Et de par son titre Xenos, l’étranger en grec, une portée universelle dans sa réflexion sur l’identité et les fondements de notre humanité.

Histoire d’un danseur indien partant sur le front, arraché de son pays, exilé malgré lui… C’est une danse d’une précision redoutable, entre théâtralité et abstraction. Mouvements exacerbés, fulgurants, joyeux et libres à son commencement que troublent bientôt l’effroi et la chute au son des obus. Le salon de musique et le son des grelots attachés à chaque pied bientôt font place aux tranchées et au grondement de la guerre. Un monde s’écroule et la terre envahit le plateau. Les pieds véloces et agiles frappant le sol de la danse kathak s’enfoncent désormais lourdement dans la boue. La danse s’affole et ne semble plus dans la panique qui envahit ce corps pouvoir être maîtrisée. La spirale propre au Kathak se brise net. Les mudras, ces battements de mains si légers et précis, ne signent que le vide et l’impuissance, ne happent que le vide. La course éperdue a remplacé l’envol gracieux. La danse n’est plus que chutes et déflagrations. Le chant indien et les percussions ne sont plus qu’un souvenir, recouvert par l’orage et le canon tonnant, le sifflement des obus avant l’impact. La danse n’est plus que tâches absurdes et répétitives au son du sifflet, des cordes qu’on manipule, avec lesquelles on se débat, sans logique apparente, sans finalité aucune. Parfois des voix s’élèvent, qui bientôt disparaîtront pour jamais, déclinent leur identité avant la perte de leur humanité broyée par cette guerre. Moment d’une émotion qui vous submerge brutalement que ces voix venues du passé et sorties, par quel miracle, de l’oubli. Bientôt le corps s’épuise à lutter, abandonne, s’écroule absorbé par la terre des tranchées, de la mémoire collective et de l’Histoire.

 

© Jean-Louis Fernandez

 

 

Xenos chorégraphie et interprétation Akram Khan

Dramaturge Ruth Little

Création lumières Michael Hulls

Musique originale et création sonore Vincenzo Lamagna

Création décors Mirella Weingarten

Costumes Kimie Nakano

Auteur Jordan Tannahill

Directeurs des répétitions  Marvin Khoo, Nicola Monaco

Musiciens Nina Harries (contrebasse et voix), B C Manjunath ( percussions et konnakol), Tamar Osborn (saxosophone bariton), Aditya Prakash (voix), Clarice Rarity (violon)

 

 

 

Du 12 au 22 décembre 2019 à 20 h

Dimanche à 16 h

Relâche les 15 et 19 décembre 2019

 

 

La Villette

211 avenue Jean Jaurès

75019 Paris

Réservations 01 40 03 75 75

www.lavillette.com

 

Théâtre de la Ville

Réservations 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

 

 

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