ƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette
Dans l’édition 2024 du Festival d’Automne, Lina Majdalanie et Rabih Mroué nés au Liban et travaillant désormais à Berlin reprennent, au milieu de toute une série, un spectacle créé en 2005 et repris très régulièrement depuis, s’intitulant Who’s afraid of representation ?. Il nous plonge dans le Body Art européen, prenant par exemple les figures de Joseph Beuys, Orlan, Marina Abramović, John Duncan, Chris Burden, Kim Jones… reprenant nombre d’idées autour des exhibitions, scarifications publiques, etc. Deux personnages, un homme et une femme, mettent en place un décor somme toute assez surprenant : une sorte d’écran transparent tombe et nous sépare d’eux, sorte de mystère au travers duquel ils vont apparaître, comme filmés, semblant loin alors qu’ils sont là, juste là devant nous et cherchent, exigent, des idées de douleur, de violences, rappelant quasiment des idées de guerre. Des « représentations » donc des images réelles tout autant que copiées, inspirées. Tous les deux, sans aucun doute ayant trouvé ailleurs aussi toute cette inspiration de violence en 2005, en créant ce spectacle presque gênant, en regardant par la fenêtre pourquoi pas et trouvant d’autres idées, une atmosphère plus réelle qu’inspirée après tout, « des parallèles entre l’histoire de l’art corporel en Occident et l’histoire du Liban » comme nous l’indique le dossier de présentation de ce festival.
Une table est devant nous, un catalogue posé dessus reprenant les grands instants du Body Art. Ils ont un chronomètre, s’ils ouvrent le catalogue à la page 26, ils ont 26 secondes pour dire ce qu’a fait l’artiste dont on parle page 26, et ayant un lien que cet artiste donnait à l’histoire du Proche-Orient. Le temps est compté, mais le hasard n’existe pas vraiment… En même temps, la violence, la haine et pourquoi pas la peur, viennent prendre le dessus, et le tueur en série d’Hassan Mamoun, lui-même, vient nous raconter quelques petits épisodes de son parcours sinueux.
La mémoire réclame sans cesse d’être réactivée. Aujourd’hui ne semble plus exister, c’est l’aujourd’hui des années 1970 qui virevolte et cogne. Les artistes cherchent à mutiler leur corps et nous parlent de corps mutiler mais qui eux ne le souhaitaient pas. Lien plus que violent, malsain pour tout dire, avec cette protection construite par cet « écran » qui nous éloigne de cette représentation. Cette scène, ce spectacle qui nous demande, réellement, qui de nous tous a peur, qui est plongé dans un dégoût certain, sur qui ont-ils gagné, eux ? Violence, guerre, meurtres, histoire et mensonges, là, juste en face de nous et en même temps, nous en sommes comme protégés par cet écran, cet écran faux et salutaire. Pouvons-nous avoir confiance ? Est-ce bon de nous replonger dans tous cela ? Rabih Mroué et Lina Majdalanie font comme des boulettes malsaines entre art corporel et histoire du Liban. Nous sommes juste en face, nous sommes pris, victimes presque. Pour tout dire, assez heureux de sortir vivants, dans le monde vrai, sans trop de danger. Ils nous ont dérangés. On peut se demander le sens de ce spectacle. Who’s afraid of representation ? est clair et victorieux, heureusement pour nous. Du vrai, du faux, du réel et de la magie, juste là, devant nous. Du rire et une forte perturbation, bon signe, sans aucun doute.
Who’s afraid of representation ?, texte et mise en scène de Rabih Mroué
Scénographie de Samar Maakaroun
Direction technique : Thomas Köppel
Assistant : Racha El Gharbieh
Traduction de l’arabe : Catherine Cattaruzza
Surtitrage : Halima Idrissi, Aurélien Foster / Panthea
Avec Lina Majdalanie et Rabih Mroué
Festival d’Automne, du 23 au 28 septembre 2024
19h / 16h le samedi
Durée 1h
Théâtre de la Ville – La Coupole
2 place du Châtelet
75004 Paris
Réservation 01 42 74 22 77
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