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WET°5, Festival de jeune création contemporaine, Théâtre Olympia, Tours (et autres lieux)

Sep 25, 2021 | Commentaires fermés sur WET°5, Festival de jeune création contemporaine, Théâtre Olympia, Tours (et autres lieux)

 

Opa ©  Sébastien Monachon

 

ƒƒƒ article de Corinne François-Denève

Parmi les festivals destinés à mettre en avant la création émergente, le WET° possède une particularité tout à fait intéressante : les spectacles sont en effet choisis par la troupe permanente et les techniciens du CDN de Tours qui, examinant nombre de propositions, sont amenés à défendre leurs coups de cœur. La petite dizaine de spectacles finalement sélectionnée est donc particulièrement accompagnée et choyée. Les lieux dans lesquels les pièces sont jouées ne doivent également rien au hasard : la programmation tient compte de contingences tout autant techniques que de foudroiements artistiques.

Ainsi, Monuments hystériques, projet de Vanasay Khamphommala, ancien artiste associé du CDN, se niche-t-il au sein de l’improbable cloître de la Psalette, édifice hybride perdu entre gothique et Renaissance, ancienne école de musique, et décor occasionnel du Curé de Tours d’Honoré de Balzac. Au sein de ce cloître inspiré, Vanasay Khamphommala a imaginé une fantasmagorie, justement pleine de fantômes, qui tient aussi du canular-performance. Comment inaugurer un « monument » de façon officielle, quand ce caractère officiel ne fait que figer, et donc passe à côté de la quintessence du « vrai » monument – à savoir ces vivants qui les ont habités ? Tantôt discours satirique sur la politique culturelle et son absence de vision, ou sur l’obsession opportuniste du matrimoine ; tantôt sincère hommage à la petite sœur de Balzac (Christine Planté appréciera) et au « gender fluid », le propos est parfois épars et peu situé ; mais il est soutenu par la belle énergie des jeunes comédiens et comédiennes.

Suzette Project n’a en revanche rien d’un projet, tant il est abouti. Jeune ado vintage, Suzanne, dite Suzette, aime Dalida, Al Pacino, et les chansons italiennes. Elle a une petite particularité, celle d’avoir deux mamans. Elle a aussi une meilleure amie, Alice, qui s’intéresse beaucoup à Max(ence), le poète slammeur du collège – mais Maxence s’intéresse aussi à Suzette. La vie n’est pas facile. Heureusement, parrainée par Al Pacino, Suzette va enquêter sur ce sujet brûlant – qu’est ce qu’une famille aujourd’hui ? Le spectacle est destiné au « jeune public » mais doit être conseillé à tous, tant cette chronique Diabolo menthe 2.0 est tendre et délicate. Les personnages sont très joliment dessinés, et incarnés, et la scénographie, minimale, réussit l’exploit d’être à la fois d’une redoutable efficacité et d’une belle poésie.

De famille, il est aussi question dans Maryvonne, théâtre documentaire qui fait une large place à la vidéo. Sur l’écran, en effet, Maryvonne, 80 ans, que l’on dit peu commode. Interrogée par sa petite-fille pour un projet de fin d’études, Maryvonne, tout en fumant et en buvant son café, lit des extraits de livres qu’elle a choisis, et se raconte un peu. La fascination pour le spectacle tient toute entière dans l’attrait qu’exerce Maryvonne, femme puissante aux sourires brusques et aux réparties malicieuses. L’amour, la vie, tout cela n’est pas bien gai. Comme effrayée par son beau sujet, la metteuse en scène a choisi de déléguer sa parole (c’est elle qui, dans la vie, a interviewé sa grand-mère) à une comédienne en scène, qui se contente de relancer le propos, ou de le commenter. De là sans doute cette impression de frustration, devant un spectacle sur le fil, qui laisse ouvertes les questions – et semble avoir renoncé à faire spectacle.

Mais voici qu’arriva Opa, objet scénique non identifiable, tout entier porté sur les statuesques épaules de Mélina Martin. Mélina Martin nous raconte une histoire bien connue, celle d’Hélène, dont l’enlèvement déclencha la guerre de Troie. En français, en grec et en anglais, Mélina Martin revient sur cet épisode mais en partant du point de vue d’Hélène. Fut-elle enlevée contre son gré ? Fut-elle violée pendant dix ans ? Fut-elle exilée en Egypte ? Mélina Martin explore tous les genres, les registres, les styles, avec un égal génie. Elle sait danser sur des pointes, performer, se livrer à un one woman show proprement homérique – pour mieux faire entendre les cris déchirants d’un état de femme toujours violenté. Mélina Martin est toute jeune. Elle pourrait être la môme Crevette de Feydeau, et l’instant suivant passer aux Abysses de Nikos Papatakis. Il faut la suivre – et elle court vite.

 

 Maryvonne © Matthieu Cauchy

 

WET festival

THÉATRE OLYMPIA CDNT DIRECTION JACQUES VINCEY

7 rue de Lucé

37000 Tours

02 47 64 50 50

 

Le festival dure du 23 au 25 septembre 2021

Le WET 6 se déroulera du 25 au 27 mars 2021

 

https://cdntours.fr/festival-wet/21.22

 

 

Spectacles vus et chroniqués  (24 septembre 2021)

ƒƒ Maryvonne

Texte et mise en scène Camille Berthelot

Dramaturgie Lucas Samain

Assistante mise en scène Alice Girardet

Montage vidéo Camille Berthelot et Vojta Janiska

Création lumière et régie générale Benjamin Mornet

Avec : Alma Livert et Maryvonne Berthelot (en vidéo)

 

ƒƒ Suzette Project

Ecriture et mise en scène Laurane Pardoen

Assistanat à la dramaturgie Judith Bouchier-Végis

Assistanat Isabella Locurcio et Vera Rozanova

Voix Andrea Fabi

Montage vidéo Marie Gautraud

Scénographie Zoé Tenret et Laurane Pardoen

Création lumière Jérôme Dejean

Création sonore Shuba

Costumes Bleuenn Brosolo

Régie Alice De Cat

Régisseur Clément Papin

Diffusion Caroline Namer

Avec : Nina Lombardo, Anaïs Grandamy, Victoria Lewuillon

 

ƒƒƒ Opa

Conception et jeu Mélina Martin

Collaboration artistique Jean-Daniel Piguet
Lumière et régie Leo Garcia
Administration et diffusion Marianne Aguado / Iskandar

 

ƒ Monuments hystériques

Un spectacle de Vanasay Khamphommala

Dramaturgie et textes Vanasay Khamphommala

Collaboration artistique Delphine Meilland

Création régie Simon d’Anselme de Puisaye, Tom Desnos

Avec les comédien·ne·s et techniciens de l’ensemble artistique du Centre dramatique national de Tours – Théâtre Olympia : Thomas Christin, Garance Degos, Hugo Kuchel, Tamara Lipszyc, Delphine Meilland

 

 

 

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