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We are pretty fuckin’ far from okay, de Lisbeth Gruwez, au Théâtre de la Bastille

Jan 10, 2018 | Commentaires fermés sur We are pretty fuckin’ far from okay, de Lisbeth Gruwez, au Théâtre de la Bastille

ƒ article de Jean Hostache

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© Christophe Raynaud de Lage

Lisbeth Gruwez s’attaque à la recherche d’un nouveau corps, d’une nouvelle danse. Avec We are pretty fuckin’ far from okay, elle décide de travailler sur une émotion particulière qui, nous nous en rendons vite compte, gouverne notre quotidien : la peur. Elle choisit notamment d’étudier la corporéité et la gestuelle d’acteurs dans les films d’épouvante d’Alfred Hitchcock, comme base de travail. Cela s’observe facilement dans sa grammaire chorégraphique, lui donnant une dimension tout à fait singulière. La pièce se joue en duo, selon deux espaces mentaux bien distincts. Ici il ne s’agit pas de comprendre les liens qu’engendre le sentiment de peur entre deux individus, mais comment elle nous touche et nous habite personnellement en nous exposant deux singularités partagées. Chacun des interprètes a donc son propre langage pour exprimer l’angoisse relatif à sa puissance émotive.

Ce qui est intéressant dans cette partition, c’est l’évolution du spectacle selon des motifs chorégraphiques bien précis, qui viennent dessiner et creuser les différentes strates émotionnelles que nous provoque le sentiment de peur, pour arriver au final à la paranoïa. Le spectacle commence dans le silence et l’immobilité, comme point zéro du ressenti où tout peut arriver. Peu à peu les deux danseurs stimulent un mouvement, une lenteur chirurgicale et kinesthésique qui vient découper et ciseler leur gestuelle. Il s’agit presque à ce moment de pantomime. Une chorégraphie fonctionnant par pause à l’image, travaillant sur un vocabulaire quasi quotidien, une banalité esthétisée. De cette lenteur, le mouvement va évoluer de manière exponentielle à une vitesse effrénée. Avec leur peur, notre angoisse dans le public aussi se fait grandir. A la base de leur neutralité, nous comprenons que quelque chose est en train d’arriver, et que cela bouillonne au plateau. Ainsi nous voyons la danse démarrer par une peur encore peureuse et peu expressive, pour arriver à un corps phobique, où la frénésie et la paranoïa viennent bouleverser le mouvement.

Ce caractère évolutif du spectacle donne à la représentation une temporalité à part entière. On semble faire exprès de nous ennuyer par la lenteur, le manque d’évènement, mais cela participe à nous faire traverser différentes phases émotionnelles et, sans parler vraiment d’ennui, la danse vient plutôt nous hypnotiser. Ils ont comme le don d’étirer le temps, de le tordre, de le ralentir ou de l’accélérer, faisant perdre aux spectateurs leurs repères, qui eux viennent vivre une véritable expérience.

 

We are pretty fuckin’ far from okay

Conception, chorégraphie et costumes Lisbeth Gruwez
Assistanat chorégraphie Lucius Romeo-Fromm
Composition et son Maarten Van Cauwenberghe
Lumière Harry Cole, Caroline Mathieu, Thomas Glorieux
Dramaturgie Bart Van den Eynde
Scénographie Marie Szersnovicz, Lisbeth Gruwez, Maarten Van Cauwenberghe

Avec Lisbeth Gruwez et Nicolas Vladyslav

 

Du 15 au 20 janvier à 21h

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris

Réservations 01 43 57 42 14

www.theatre-bastille.com

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