© La Bande Passante

ƒƒƒ Article de Victoria Fourel

Un beau jour bruxellois, les deux créateurs du spectacle tombent sur un album photos dans une brocante. Bel objet, très bien conservé, et surtout plein d’une vie. Un lien immédiat se crée avec l’album, avec Christa, la femme dont il retrace l’existence. S’engagent alors une course-poursuite, une enquête, un dialogue, un voyage. Sur les traces d’une femme, sur les traces de nos histoires personnelles et communes.

Vies de Papier touche à notre vision du souvenir, de l’intime. Spectacle documentaire, il retrace le chemin artistique et personnel de deux curieux, touchés par la présence de la vie d’une femme sur une brocante, laissée là, aux yeux de tous. Sans savoir pourquoi, on veut découvrir ce que Christa a vécu, ce que l’enquête va provoquer chez Benoît Faivre et Tommy Laszlo. On tente de recouper ce que l’on voit avec nos vies personnelles, on cherche du sens derrière les poses, les sourires en noir et blanc. Ce spectacle est la preuve que chacun est une partie d’Histoire, de grande Histoire, que chacun est un témoignage de son époque, et que ce témoignage doit être chéri, conservé. Et cela passe ici par le mettre en scène, le montrer, le conter, le découper au cutter.

Il y a tellement de délicatesse dans les devinettes et les découvertes successives des deux concepteurs du spectacle. Ils racontent sans jouer la comédie, ils découpent, décollent, envahissent de post-it, empilent. Les questions de l’éthique, de l’intérêt et de l’orientation du projet sont posées. Sur scène, Tommy Laszlo et Benoît Paire ne prennent pas la place des images, ils se font ingénieurs et documentalistes, et lorsqu’est projeté leur voyage en Allemagne à la poursuite de Christa, ils légendent leur périple, notent, dessinent, ressortent les documents évoqués dans le film. L’amour du papier et de l’écriture est omniprésent, visuellement. Les photos et cartes postales de l’album sont posées au sol, comme base de la recherche, et ensuite, on est amené à observer vraiment les documents, à chercher les lieux sur la carte routière, à lire les notes prises en direct. Sans être participatif, Vies de Papier engage notre regard de généalogiste, notre curiosité et notre amour pour les choses qui s’entassent dans les greniers et dans les caves.

Là où le spectacle fait la différence, c’est qu’il parvient à faire naître la mise en scène, la fiction, avec notamment une musique délicate et un plaisir à mettre en situation les photos de l’album. On est alors vraiment au théâtre, dans une fantaisie nostalgique très douce. Et à la fois, on ne tente pas pour autant de surjouer le réel. C’est là toute l’intelligence d’un spectacle qui nous parle de l’amour des objets et des archives, qui nous donne le plaisir de la recherche, qui nous parle aussi de nous, de nos histoires familiales, du mystère de l’universel parcours des gens. C’est une pièce qui se touche, qui se découpe, qui se colle et qui se monte dans notre tête. C’est passionnant sans que l’on comprenne vraiment pourquoi.

Vies de Papier, écriture et réalisation par Benoît Faivre, Kathleen Fortin, Pauline Jardel et Tommy Laszlo

Direction artistique Benoît Faivre et Tommy Laszlo

Avec Benoît Faivre et Tommy Laszlo

Regard extérieur Kathleen Fortin
Prises de vue Pauline Jardel
Création musicale Gabriel Fabing
Lumière Marie-Jeanne Assayag-Lion
Costumes Daniel Trento

Du 5 au 26 juillet 2019, à 15h10

11 . Gilgamesh Belleville

Festival d’Avignon

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