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Vêpres de la vierge bienheureuse, d’Antonio Tarentino, mise en scène de Jean-Yves Ruf, au Théâtre du Rond-Point

Oct 20, 2022 | Commentaires fermés sur Vêpres de la vierge bienheureuse, d’Antonio Tarentino, mise en scène de Jean-Yves Ruf, au Théâtre du Rond-Point

 

© Alban Van Wassenhove

ƒƒ article de Denis Sanglard

C’est un poème d’amour d’un père à son fils, un tombeau pour un défunt, travesti et prostitué suicidé, noyé dans les eaux du Lambro. Long monologue pour retisser les liens rompus, dire enfin ce qu’on n’osait se dire, partager un dernier instant d’intimité. Là, sur ce quai de gare, entre Milan et Turin, l’urne dans les bras, tenue comme on tient délicatement un enfant, le père se confie, dit sa douleur avec pudeur, ses regrets pour ne pas avoir compris, ou ne pas avoir voulu comprendre, fait parler les proches, la mère acariâtre et injurieuse, la sœur scandaleuse, les piliers de bars… A ce fils surnommé « La vierge bienheureuse », il offre un ultime et singulier conseil : de garder ses chaussures de femmes, « ses cothurnes », et sa robe rouge en velours pour traverser le Styx, cela ne pourra que plaire « à la commissions des grecs », ceux là qui préside aux enfers. Antonio Tarentino, disparu en 2020, qui fut sculpteur et écrivain, signe un texte où l’humour et le tragique, ce qui revient parfois au même, se disputent, où la poésie se fait parfois burlesque, où enfin la naïveté populaire fait s’embrasser le profane et le sacré. Une langue musicale pour un chant d’adieu, une dernière et douce-amère berceuse, un soliloque consolatoire. Antonio Tarentino sculpte la langue avec une précision inouïe et sans nul doute fait-il remercier Jean-Paul Manganaro pour la traduction. Paul Minthe est ce père en deuil. L’écriture d’Antonio Tarentino, il la connait intimement, lui qui offrit à Jean-Yves Ruf l’opportunité de créer en 2010, La Passion selon Jean, du même auteur. Paul Minthe s’approprie cette écriture, dans ses pleins et ses déliés, fait corps avec elle pour une incarnation toute en nuance, d’une grande délicatesse. Sans jamais en faire trop, bien au contraire, il est à vif, petit homme écorché, bousculé par une chienne de vie, rentrant sa peine, son chagrin suintant à bas-bruit. Un jeu extrêmement ténu, expression d’une pudeur déchirée, ravalée, d’un père se dévoilant devant son fils. Rien ne sert de préparer ses mouchoirs pour autant, l’humour, même teinté d’horreur, donne grâce et légèreté à cette oraison profane et vespéral pour un enfant défunt. Jean-Yves Ruf s’efface derrière le comédien, dirigé avec soin c’est certain, assuré sans doute devant cette appréhension, cette intelligence de l’écriture de Paul Minthe. Tous deux ayant grand soin de s’estomper derrière le verbe d’Antonio Tarentino, car c’est bien lui, ce verbe baroque, qui est ici mis en scène avec bonheur. C’est un théâtre réduit à son essence, un texte et son interprète, rien de plus, rien de moins. Et c’est bien.

 

© Alban Van Wassenhove

 

 

Vêpres de la vierge bienheureuse d’Antonio Tarentino

Mise en scène de Jean-Yves Ruf

Avec Paul Minthe

Scénographie : Laure Pichat

Création sonore : Jean-Damin Ratel

Lumières : Christian Dubet

Traduction Jean-Paul Manganaro

 

Du 12 au 30 octobre 2022 à 20h30

Dimanche, 15 h 30

Relâche les lundis et le 16 octobre

 

Théâtre du Rond-Point

2bis avenue Franklin D. Roosevelt

78008 Paris

Réservation 01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

 

 

 

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