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Vangelo, de Pippo Delbono, au théâtre du Rond-Point

Jan 08, 2017 | Commentaires fermés sur Vangelo, de Pippo Delbono, au théâtre du Rond-Point

ƒ article de Florent Mirandole

stephane-trappier

© Stephane Trappier

Il est difficile d’écrire sur Pippo Delbono car ses spectacles vous déshabillent. Enveloppés de pelisses épaisses pour affronter l’hiver, nos corps et nos esprits doivent peu à peu laisser tomber leur couche de protection pour se laisser pénétrer par l’art du metteur en scène italien. Sans cet abandon, la confrontation ne serait pas juste, pas égale. Pippo Delbono prend le temps d’ouvrir son âme pour façonner ses spectacles, et il faut au minium entrouvrir la notre pour les savourer.

La matière de Vangelo lui a été inspirée par sa mère. Sur son lit de mort, elle a demandé à son fils d’écrire un spectacle sur l’Evangile. Plus qu’un témoignage d’amour, ce spectacle est surtout l’occasion pour le comédien d’interroger sa croyance et son enfance. Le petit Pippo a été nourrit par la religion catholique et son esthétique nous confie-t-il. L’irruption du catholicisme au milieu du théâtre emmène tout sur son passage. La religion est prise de plein pied, frontale, mais sans ironie ni cynisme. Elle est même peinte parfois sous des traits magnifiques et grandiloquents. Comme ce cardinal revêtu d’une longue chasuble éclatante, qui traverse une scène rougie par l’effervescence quasi mystique qu’a réussi à créer le metteur en scène. En quelques minutes la grande messe de Pippo Delbono nous élève, nous touche. Mais plus qu’un témoignage ou une célébration, le metteur en scène confronte également son héritage chrétien à l’actualité brulante. La religion est ainsi plantée devant le réel, à la mort, les combats et les migrants qui arrivent sur les plages d’Italie comme dans les « jungles » françaises.

L’art de Pippo Delbono est de créer des atmosphères envoutantes. De la scène d’ouverture, où sa troupe siège devant le public tel un parterre d’aristocrate décadents, à l’ascension du Golgotha par l’acteur lui même tirant un gigantesque mur en béton, chaque scène frappe par sa beauté. Il partage avec la metteuse en scène Pina Bausch cet art rare de savoir créer une émotion à partir d’un geste ou d’un objet. Comme chez Bausch, les plateaux dépouillés contrastent avec la force des images qu’ils dégagent. La comparaison s’arrête toutefois là, tant l’absence de décors foisonnant chez Pippo Delbono est largement compensé par un discours envahissant qui épaissit trop souvent la finesse de l’image.

Hyper sensible et militant féroce, le metteur en scène vocifère tout au long de son spectacle contre les injustices, les inégalités, les faux-semblants. Pris à froid dès les premières scènes, l’attention est rapidement saturée par ce flot de colère fiévreuse. D’autant plus que le discours certes sincère du comédien n’atteint pas la poésie désenchantée et éclatante de sa scénographie. Même en partageant l’empathie du metteur en scène avec l’actualité des migrants aujourd’hui, il est difficile de vibrer avec ses images de migrants filmés pendant de longues minutes dans les champs de maïs.

L’humanité de Vangelo, au final, nous ne la trouvons pas dans les mots, mais dans les personnages quasiment muets qui entourent le metteur en scène. Que ce soit le Bobò, Gianluca Ballarè ou Nelson Lariccia, ce sont eux, par leur seule présence, leur mutisme et leur regard fixe et obstiné qui au final remplissent la scène d’un supplément d’âme.

Vangelo
Avec la participation dans le film des réfugiés du centre d’accueil PIAM d’Asti
Image et film : Pippo Delbono
Musique : Enzo Avitabile
Scénographie : Claude Santerre
Costumes : Antonella Cannarozzi
Lumières : Fabio Rochedy
Traduction : Anita Bolognesi
Son : Pietro Tirella
Régie générale : Gianluca Bolla
Habillage : Elena Giampaoli
Organisation : Silvia Cassanelli, Alessandra Vinanti
Administration compagnie : Raffaella Ciuffreda
Organisation et production (France) : Cristian Leblanc
Réalisation décor et costume : Hrvastsko Narodno Kazalište/Zagreb

Avec Dolly Albertin, Gianluca Ballarè, Bobò, Margherita Clemente, Ilaria Distante, Simone Goggiano, Mario Intruglio, Nelson Lariccia, Gianni Parenti, Pepe Robledo, Grazia Spinella, Nina Violić, Safi Zakria, Mirta Zečević

Théâtre du Rond-Point
2bis av. Franklin Roosevelt 75008 Paris
Métro Franklin D . Roosevelt ou Champs-Elysées Clémenceau.
Réservation 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr 

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