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Unité modèle de Guillaume Corbeil, création et mise en scène de Guy-Pierre Couleau, La Scierie, Festival Off Avignon

Juil 11, 2022 | Commentaires fermés sur Unité modèle de Guillaume Corbeil, création et mise en scène de Guy-Pierre Couleau, La Scierie, Festival Off Avignon

 

 

© Laurent Schneegans

 

ƒƒ article de Sylvie Boursier

« Ah, Gudule, viens m’embrasser et je te donnerai, un frigidaire, un joli scooter, un atomixer, et du Dunlopillo… » La complainte du progrès de Boris Vian en 1956 anticipe l’envahissement de nos sociétés par le consumérisme de masse. Alors qu’avant les fleurs offertes faisaient plaisir, il faut maintenant l’abondance des biens de consommation. Plus tardivement Georges Perec montrait dans les Choses un couple, enquêteurs en free-lance pour des instituts de sondage dont la vie se réduisait peu à peu au désir de consommer. Mais ce qu’ils croyaient être leur goût n’était que ce qu’on leur suggérait.

Guillaume Corbeil est un auteur québécois contemporain, jamais monté en France. Dans Unité Modèle il pousse plus loin encore la critique d’une société totalement gangrenée par le marketing, la fabrication et la fascination des images. Deux agents immobiliers, copies conformes de Julia Roberts et Richard Gere animent des soirées promotionnelles de ventes d’appartement sur plan. Ils sont gluants de jovialité affectée et poisseux de générosité ostentatoire, ils distribuent des soi-disant remises et n’hésitent pas à faire des selfies avec les heureux gagnants. Ces faux derches, alternent descriptions de moments parfaits et scènes où ils s’approprient le rôle de l’heureux couple qui habiterait ces lieux.

Le style de Corbeil est nerveux ; il alterne les mots clefs, les punchlines, formules chocs avec les adjectifs uppercut « Riche et épuré. Décontracté et chic. Fort et fragile, Tout le monde veut “être ces contradictions-là !” comme un zapping de série américaine. Guy Pierre Couleau colle à ce rythme par une mise en scène millimétrée et deux comédiens qui n’ont pas peur de casser leur image, rompus au montage cut comme dans un film de Xavier Dolan. Pas de psychologie, pas de transitions, on passe directement de la pub aux moments comiques où nos deux salopards butent sur les mots, ont des blancs suite à des imprévus dans une mécanique parfaitement huilée, se rattrapent aux branches, rebondissent, comme des personnages de pantomimes. Nils Ohlund est le comédien élastique dont Guy Pierre Couleau avait besoin, virevoltant du sol au plafond de cette maison modèle vendue à la découpe. Il maîtrise la rupture de tons, les sous-entendus, les adresses et clins d’œil au public caractéristiques des médias. Sa partenaire, Moana Ferré, est à l’unisson. Elle réussit à passer en un instant de la superficialité la plus totale à la fragilité d’un être qui perd pied, happée par la viduité d’une société liquide où tout n’est plus que flux d’un espace à l’autre. Ne parle-t-on pas de « fluidifier » les échanges à tous les étages des strates financières, institutionnelles ? Pour Michel Vinaver, l’inflation du vocabulaire lié au bonheur, aux sentiments, la transparence, la bienveillance, sont signe que l’avoir, le faire, se sont substitués à l’être.

Nous y sommes dans cette dystopie présentée à la Scierie, le monde a basculé dans le meilleur des mondes, bref une dictature parfaite soigneusement scénarisé pour promouvoir le message voulu.

Allez les voir, résistons !!

 

©Laurent Schneegans

 

Unité modèle, de Guillaume Corbeil

Mise en scène : Guy-Pierre Couleau

Lumières : Laurent Schneegans

Costumes : Camille Pénager

Jeu : Moana Ferré et Nils Ohlund

 

Du 7 au 28 juillet à 19 h Avignon off

Durée : 1 h 10

 

 

La Scierie

15 bd du quai saint Lazare

Avignon

Réservation : 0484510911

www.lascierie.coop

 

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