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Une place particulière d’Olivier Augrond / Les Apaches au théâtre Montfort

Déc 03, 2016 | Commentaires fermés sur Une place particulière d’Olivier Augrond / Les Apaches au théâtre Montfort

ƒƒ article de Corinne François-Denève

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© Olivier Augrond

Un soir comme un autre sur la plaine des bords de Vanves. On affronte la bise pour rentrer dans la cabane. Les comédiens sont déjà sur le plateau. Décor fifties ou branchouilles ; les acteurs jouent aux échecs, aux fléchettes, feignent une chaleureuse complicité, en apparence indifférents à l’installation du public. Un spectateur à valise entre, salue des connaissances dans la salle, rejoint le plateau, distribue des tracts aux premiers rangs en affirmant que son spectacle est meilleur. C’est Avignon off ou in, c’est l’abolition du bibelot 4eme mur, c’est du théâtre jeune, contemporain, postdramatique.

Sitôt les lumières éteintes, la pièce se lance. Plus question d’interpellations au public. Création collective dirigée par Olivier Augrond, Une place particulière est constituée d’une série de saynètes que relient des fils plus ou moins ténus – la nuit, un train, des prénoms murmurés, des filiations refusées. Les fauteuils, chaises, tables, figurent pour chaque séquence des espaces différents – compartiment de train, salle d’attente, crématorium. La pièce tourne autour d’histoires de famille, adoptant tantôt un ton tantôt burlesque, tantôt dramatique. De longues stances lyriques succèdent à des échanges de vives réparties comiques. De quoi réjouir tous les publics : ces prises de bec à table, ces disputes aux enterrements semblent largement partagées par ce qu’on nomme communément l’humanité.

Pour faire « jeune théâtre », ou pour se faire aimer de la Spedidam, il y a évidemment un guitariste sur scène. Les transitions sont le point le plus faible de la pièce. On est sans doute particulièrement obtuse, mais on ne comprendra jamais en quoi sont utiles au théâtre les moments d’ambiance sur fond de musique psychédélique, qui mêlent danse lascive en perruque bleu fluo, carnaval convulsif sous masques vénitiens, passage d’un motard casqué et apparition d’un Sioux/Comanche/Apache en combinaison agricole tout droit sorti d’un film de Guiraudie (on préfère aller voir un film de Guiraudie). Nous a toutefois été épargnée, il faut quand même le reconnaître, la vision d’un acteur déguisé en lapin en peluche géant.

Cela est d’autant plus dommage que, passée la toute aussi traditionnelle séquence Eros/Thanatos sperme/cendres, on aimerait aller rechercher le texte sous les fioritures de la « scénographie ». C’est sans doute démodé ; toutefois, si on a pu voir du Pierre Notte dans la séquence « un soir d’épluchures de patates dans une maison qui fuit de partout », c’est bien à un Courteline sur rails que nous a fait penser l’échange entre deux hommes dans un wagon de chemin de fer, et Tardieu que rappelle l’entremêlement vertigineux et virtuose de certaines répliques. C’est là une filiation (littéraire) tout ce qu’il y a d’honorable. On donne donc à rendez-vous une autre fois à nos Apaches, au tournant des fortifs.

Une place particulière
Olivier Augrond / Les Apaches
une création collective écrite et dirigée par Olivier Augrond
création musicale Jean-Philippe Feiss
création lumière Sébastien De Jésus
création son Janyves Coïc
régie son Baudouin Rencurel
régie lumière Julien Bensamoun / Léon Touret
Production : Les Apaches. Avec le soutien du Monfort Théâtre, du Théâtre Jean Arp – Scène conventionnée de Clamart, CAP* à Montreuil et Théâtre de Suresnes Jean Vilar. Ce texte est lauréat de la Commission nationale d’Aide à la création de texte dramatique – Artcena.

avec Margot Faure, Candice Lartigue, Patrice Botella, Yves Buchin, Guillaume Marquet, Romain Arnaud-Kneisky, Jean-Philippe Feiss

du 1 au 14 déc. 2016
du mardi au samedi à 21h

Théâtre Monfort
106 rue Brancion
75015 PARIS
Réservations au 01 56 08 33 88
cabane
durée 1h35

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