ƒƒ article de Victoria Fourel  

© Carole Thibaut

Imaginez-vous plonger pendant un moment dans l’intimité d’un couple en construction (et en déconstruction), qui crée sous vos yeux un amour d’aujourd’hui, à coups de SMS, de mails. C’est ce que cette installation numérique immersive propose à son public, en lui laissant le choix du temps passé à déambuler. Dans un espace moderne, à la fois sombre et confortable, la metteure en scène propose à chacun de se promener au milieu de projections vidéo, de textes projetés et dits, de chansons et de voix, dans un espace qui tient à la fois du labyrinthe, de l’appartement, du train, de la boîte de nuit et de la classique salle d’exposition.

Le concept même veut que l’histoire d’amour qui se passe sous nos yeux de visiteurs / spectateurs, on ne la voie que par morceaux, par touches incomplètes. Et on y retrouve l’idée passionnante que si vous aviez passé la porte de l’installation une minute plus tard, vous auriez à la sortie une idée différente de ce couple. Ils s’aiment, sont parfois débordés par ce que l’amour fait à une vie, mais aussi par leurs quotidiens respectifs, la distance qui les éloigne, parfois par leurs mots, souvent par leurs silences. On est tout de suite happés par leur histoire, on a envie d’en entendre plus, de revenir sur nos pas, de comprendre pourquoi tout ça est si compliqué, de deviner leurs âges, leurs noms, leurs pourquoi et leurs comment.

En faisant du théâtre, de l’art, de la lumière avec cette rencontre ordinaire, c’est la poésie de la vraie vie qui nous tape sur l’épaule, lorsqu’on écoute les messages échangés, ou que l’on se laisse porter par le texte d’un mail, allongés dans la pénombre. C’est l’avenir et les bagages du passé, le besoin de présence et la peur de la submersion, dans un cadre normal, banal, même.

Mais justement, les textes et les voix, SMS et mails usent beaucoup du discours amoureux, de sa poésie, mais donnent moins à voir l’ordinaire, le concret, le banal, que les deux amants cherchent pourtant quelque part à atteindre. Le langage châtié et la ‘froide’ littérature de certains messages font perdre à cette histoire d’amour sa fougue, son concret, et un peu de son humour. On voudrait se reconnaître davantage dans le langage, retrouver cette fougue dans d’autres supports, être plus atteints et plus actifs. Des documents, pourquoi pas des boîtes à souvenirs dans lesquelles fouiller, des silhouettes données à ces voix.

Mais les idées qui nous viennent pendant que l’on déambule dans cet espace hors du temps sont davantage des prolongements que des critiques, des envies de plus, des rapprochements avec les histoires de chacun. Entre journal intime moderne et reportage incognito, entre comédie romantique et drame ordinaire, on sait qu’on ne verra pas tout de l’histoire, qu’on ne saura pas tout. Mais ce dont on est convaincu, c’est qu’il n’y a rien d’ordinaire à l’amour, et c’est là la belle réussite de cette installation immersive entre théâtre et exposition.

Une liaison contemporaine
Conception, écriture et mise en œuvre de Carole Thibaut
Création technique du Collectif InVivo
Vidéo et lumières de Julien Dubuc,
Scénographie de Chloé Dumas,Sonde Samuel Sérandour
Chorégraphie de l’étreinte de Philippe Ménard
Avec les voix d’Astrid Cathala et Logan de Carvalho
danse étreinte avec Stéfania Branetti, Stéphane Couturas

Du 11 au 22 février
Du mardi au vendredi de 14h à 22h, le samedi 14 février de 14h à minuit, le samedi 21 février de 14h à 21h, le dimanche de 14h à 19h, fermé le lundi.

Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud Paris 11ème
M° Couronnes, Parmentier
www.maisondesmetallos.org

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