À l'affiche, Critiques // UBU d’Alfred Jarry, création collective, conception artistique d’Olivier Martin-Salvan, Théâtre des Bouffes du Nord

UBU d’Alfred Jarry, création collective, conception artistique d’Olivier Martin-Salvan, Théâtre des Bouffes du Nord

Avr 09, 2017 | Commentaires fermés sur UBU d’Alfred Jarry, création collective, conception artistique d’Olivier Martin-Salvan, Théâtre des Bouffes du Nord

ƒƒ article de : Corinne François-Denève

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© Sébastien Normand

Ah, toutes ces années perdues en cours de gym, le ventre noué au moindre « scratch » de tapis – c’est l’hiver, le retour des exercices au sol, des sons angoissants (saut ? chute ? suicide ?), à moitié étouffés par l’acoustique anxiogène du gymnase, le corps déjà ingrat boudiné dans une tenue improbable… Que ne montâmes-nous Ubu en douce !

On ne sait quelle relation psych-anal-ytique Olivier Martin-Salvan entretient avec les cours d’E.P.S. – en fut-il dispensé, pour pouvoir lire, lui ? Nostalgie ou vengeance, c’est autour de tapis de sol qu’il nous convie à son Ubu. Non un Ubu roi, mais un Ubu sur la butte, explicitement destiné à des marionnettes par son concepteur Alfred Jarry. La butte, ce sera donc ces accessoires en plastique bleu que les quatre comédiens manient pendant une heure, les transformant en cheval, en épée, en château-fort. Les marionnettes, ce sont des acteurs revêtus de justaucorps aux couleurs et à la symbolique primaires, qui, comme il se doit, saluent en entrant sur le tapis, courent à petites foulées pour s’échauffer, halètent, se jettent à corps perdu(s) sur de mousseux monticules (comment veux-tu, comment veux-tu… ?). Sur scène, Véronique a bouffé Davina, c’est la mère Ubu, qui se promène avec sa perche à selfie ; les palotins sont idiots, la soldatesque débile, le tyran imbécile.

Le maillot de bain 1900 rayé rouge et blanc, façon catcheur ou Fort des Halles, va à ravir à la corpulence délicieusement duveteuse d’Olivier Martin-Salvan. Cet Ubu lit Jarry comme il se doit, avec sa dose de bougres, de blagues scato, d’allusions sexuelles, de pets foireux, de saillies diverses et variées – que nous nous interdisons de décrire ici, par pure éthique de critique – mais aussi de remarques politiquement incorrectes, racistes, homophobes, qui ne peuvent donc se dire que dans l’outrance et la caricature. Le tsar, transformé en gymnaste hystérique coaché par une matriochka sous stéroïdes marche plutôt bien, de même que l’ours Moskva un poil (à poil ! à poil !) libidineux. La Danse des canards, en polonais, vertige chopinien sous chopine inconnue, est un impensé du texte.

On n’a jamais bien su ce que Jarry voulait faire de « sa » pièce. Chef-d’œuvre iconoclaste ou blague potache de lycéen ? Martin-Salvan fait le choix d’un grotesque assumé, d’une esthétique cartoon, d’une direction d’acteurs cabotinesque à souhait. Dans la salle historique des Bouffes du Nord, devant des spectateurs laissés en pleine lumière, amassés autour du ring, la force anar et ‘pataphysique de Jarry résonne encore plus haut.

 

UBU, d’après Ubu sur la butte d’Alfred Jarry
Création collective
Conception artistique Olivier Martin-Salvan
Regard extérieur Thomas Blanchard
Scénographie et costumes Clédat & Petitpierre
Composition musicale David Colosio
Chorégraphie Sylvain Riejou
Réalisation des costumes Anne Tesson
Régie générale Hervé Chantepie et Fabrice Guilbert
Production / diffusion Colomba Ambroselli assistée de Nicolas Beck

Avec Thomas Blanchard, Robin Causse, Mathilde Hennegrave, Olivier Martin-Salvan et Gilles Ostrowsky

Théâtre des Bouffes du Nord
37 (bis), bd de La Chapelle
75010 Paris

Du 5 au 23 avr 2017

Du mar. au sam. à 20h30
Matinées les dim. à 16h00

Billetterie 01 46 07 34 50

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