© voyez-vous (luca lomazzi)
ƒƒ article de Corinne François-Denève
Une fois monté le terrible escalier qui conduit à la salle « Paradis », au Lucernaire, nous voici plongée dans un autre monde. Un pianiste à col roulé joue de suaves mélodies. Des Cahiers du cinéma à couverture jaune et des Classiques Larousse mauve jonchent le sol, dans un savant désordre. Un fauteuil club, une table en verre, des manuscrits et des livres, et un autre homme, élégant, qui arpente l’espace. Tandis que le public s’installe, on entend le bruit de voix enregistrées : celle, si reconnaissable, de Jeanne Moreau, celle, sans doute, d’Alfred Hitchcock. Petit à petit ces voix s’estompent pour laisser la place à celle du seul David Nathanson, qui dit « du » Truffaut.
Le Truffaut épistolier a une plume aussi acide que celle qu’il réservait à ces critiques. Les auteurs se sont manifestement amusés à compiler des missives assassines, où l’arrogant Jeune Turc de la Nouvelle Vague se permet de renvoyer sur les roses qui n’obéit pas à son idéal artistique. Dommage pour le pauvre René Clément, qui n’a sans doute rien demandé, et que Truffaut a sans doute mal regardé, obsédé qu’il était par son idée de dégommer « le cinéma de papa ». « On ne demande pas à Jean-Edern Hallier de critiquer le dernier livre de Pierre Daninos » : il n’y a pas à dire, Truffaut a le sens de la formule, et ce Truffaut-correspondance en fait entendre de bonnes.
Judith d’Aleazzo et David Nathanson ont également veillé à présenter une image en sympathie de Truffaut : ses souvenirs de gosse « non traité » font écho à la révolte des Quatre cents coups. Son amour filial et cinéphilique pour André Bazin, et sa loyauté à l’égard de l’épouse de celui-ci, Janine, est aussi mis en évidence. Sinon bon époux, à tout le moins bon père, c’est ainsi qu’est présenté François Truffaut. La pièce réserve également une belle place à son hénaurme (et jouissive) fâcherie avec Godard, ou à son amitié « en fuite » pour Alain Souchon. Il y a également le Truffaut politique, qui écrit à Alain Peyrefitte. Truffaut-correspondance, pièce agréable et élégante, émaillée de morceaux de musique joués en contrepoint aux textes, permet de traverser trente ans de cinéma et de politique.
© voyez-vous (luca lomazzi)
Truffaut-correspondance, écrit par François Truffaut
Mise en scène par Judith D’Aleazzo et David Nathanson
Au piano : Antoine Ouvrard ou Pierre Courriol
Musique : Antoine Ouvrard
Lumières Erwan Temple et Julie-Lola Lantéri
Décor : Samuel Poncet
Avec : David Nathanson
Du 18 septembre au 10 novembre 2024
Durée du spectacle : 1 h 15
Relâche le 11 octobre.
Rencontre avec l’équipe artistique le vendredi 18 octobre à l’issue de la représentation.
Le Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
Réservation 01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr
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