© François Stemmer
ƒƒƒ article de Toulouse
Maître de l’écriture chorégraphique contemporaine, Olivier Dubois n’a décidément pas l’intention de s’essouffler aujourd’hui. Si nous regardons le résultat artistique de ses derniers spectacles, nous ne pouvons faire que le constat d’une œuvre majeure et puissante.
Tropismes s’ajoute enfin à ce chapelet de chefs-d’œuvre, alliant une recherche profonde dans l’écriture chorégraphique et une réflexion sensible sur la danse. Pas n’importe quel type de danse par ailleurs… Ici, le chorégraphe et ses huit danseurs explorent le vocabulaire du clubbing et des danses de soirées. Le spectacle s’organise ainsi comme un grand ballroom, savamment chorégraphié, et accompagné d’une musique techno tout à fait entraînante. Une danse fédératrice et vitaminée, dont les beats du night-club par moments se conjuguent à une gestuelle de danses folkloriques. Cela rappelle et convoque ainsi au plateau le caractère de rassemblement festif, populaire, ou d’union sociale que supposent de telles danses. Et c’est précisément la sensation organique que nous transmet ces magnifiques danseurs : celle d’être ensemble et d’entrer dans la danse à l’unisson de nos altérités. Un désir précieux et militant, une capacité salvatrice de la danse, quand on envisage notre monde contemporain, qui de plus en plus nous divise, et où le peu de liens sociaux ne cessent de péricliter et de se défaire. Il est d’ailleurs tout à fait intéressant de noter combien ces gestuelles – du clubbing au folklore – ne cessent d’envahir et de contaminer le paysage institutionnel de la danse contemporaine, et nombre de spectacles – tels que Crowd de Giselle Vienne ou encore Bits de Maguy Marin – peuvent raisonner amplement avec la proposition d’Olivier Dubois.
Il faut enfin saluer la prouesse et l’ingéniosité de l’écriture chorégraphique que Dubois développe dans son spectacle. On y devine des rythmiques complexes, mais c’est surtout d’une chorégraphie au cardiogramme dont il s’agit là. Sur les une heure et quarante minutes de spectacles, les danseurs, d’une force véritablement héroïque, trouvent peu de répit autant physiquement que mentalement. Leur concentration ne lâche jamais sa constance, et si le spectacle s’ouvre dans une marche en rythme, sorte de danse sacrale qui semble dessiner une géométrie secrète et tracer l’espace des festivités à venir, les danseurs basculent bientôt dans une ronde-techno-effrénée qui ne reviendra plus sur ses pas. On tombe alors dans la joie de l’épuisement, proche de la transe, un espace de grâce et de joyeuse bacchanale qui convoque dans le corps ces forces dionysiaques inouïes.
Le noir se fait et nous surprend. Nous applaudissons essoufflés – bien qu’assis depuis un certain temps que nous n’avons pas vu passer – comme par étrange compassion physique envers l’exploit et la générosité sans nom de ces danseurs, et nous sortons le cœur transpirant la joie et l’envie de danser jusqu’au petit matin.
© François Stemmer
Tropismes, chorégraphie d’Olivier Dubois
Interprètes : Cyril Accorsi, Marie laure Caradec, Steven Hervouet, Aimée Lagrange, Sophie Lèbre, Sébastien Ledig, Vianney Maignan, Sandra Savin & François Caffenne
Assistante artistique : Karine Girard
Compositeur & interprète : Francois Caffenne
Guitariste interprète : Thomas Ricou
Régie son : Jean-Philippe Borgogno
Lumières : Emmanuel Gary
Costumes : Laurence Chalou
Notation chorégraphique : Estelle Corbière
Du 29 mars au 1er avril à 21h30
Centquatre-Paris
5 rue Curial
75019 Paris
Réservations au 01 53 35 50 00
www.104.fr
Métro Riquet (ligne 7), Stalingrad (lignes 2, 5 et 7), Marx Dormoy (ligne 12)
Gare Rosa Parks (RER E, T3b)
Bus 54 et 60
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