Critiques // Tragédie, chorégraphie d’Olivier Dubois, Lycée Jacques Decourt, Festival Paris l’Eté

Tragédie, chorégraphie d’Olivier Dubois, Lycée Jacques Decourt, Festival Paris l’Eté

Juil 22, 2018 | Commentaires fermés sur Tragédie, chorégraphie d’Olivier Dubois, Lycée Jacques Decourt, Festival Paris l’Eté

© François Stemmer

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Dix-huit corps non formatés, neuf hommes, neuf femmes, deux clans, l’humanité dans sa nudité, sa fragilité, sa férocité. Olivier Dubois signait en 2012 cette chorégraphie manifeste d’une liberté totale et absolue. Ils surgissent du lointain chacun leur tour, nus et crânes, comme un défi. Marche martiale et péremptoire, douze pas martelés, marche cadencée et résolue vers nous avant de nous tourner le dos et de repartir dans le néant. Un par un, puis par deux, par trois… plus de trente minutes d’un défilé implacable, d’une stricte ordonnance, notre cerveau tambouriné et le cœur vrillé sous les coups de boutoirs d’une musique qui scande mécaniquement cette marche obstinée et têtue semblant ne jamais vouloir ni devoir finir. Ce flux continu, hypnotique, ces vagues successives de plus en plus tendues deviennent insidieusement masse compacte et le groupe si bien ordonné, chaque individu si bien différencié, se métamorphose en horde furieuse et submerge bientôt de son énergie explosive, concentrée à l’extrême jusque-là, le plateau. Soudain tout semble avec fracas s’effondrer. La marche se défait, les corps hoquettent et se brisent, chutent. Et la fureur incontrôlable envahit le plateau. Scènes orgiaques, scènes de panique, scènes de guerre… une transe collective tord les corps qui se convulsent. C’est le chaos du monde, la tragédie d’une humanité rendue à ses origines barbares profondes. Notre humanité archaïque, notre sauvagerie, notre animalité, expulsées avec violence de ses corps hurlant, grouillant, qui rampent et s’agrippent les uns aux autres, luttant désespérément pour rester debout, vivant. C’est d’une brutalité et radicalité qui vous souffle, d’une beauté incandescente qui vous crame la cervelle et vous sèche. Cette humanité écorchée lambeaux après lambeaux, fouaillée jusqu’aux entrailles, taillées à l’os et révélée dans sa cruauté primaire et tribale par la danse, laquelle plonge au plus profond de son histoire, de son origine, la transe. Rien que ces corps nus en marche forcée, cette énergie qui va crescendo jusqu’à son épuisement total, cette fureur dionysiaque, la danse dans ce qu’elle a d’immédiatement préhensible et d’urgent, sans nul artifice, pour une émotion brute voir brutale qui vous laisse pantelant, à votre tour épuisé, dévoré. C’est aussi ça que donne à voir Olivier Dubois, la force terrible et visionnaire de la danse. La danse à la source de la tragédie, acte dramatique communautaire qui interroge le monde et son chaos, défie la barbarie, expurge nos archaïsmes et répare les vivants.

 

Tragédie, chorégraphie Olivier Dubois

Collaborateur artistique  Cyril Accorsi

Musique  François Caffenne

Lumières  Patrick Riou

Régie générale  François Michaudel

Régie lumière  Emmanuel Garry

Avec  Benjamin Bertrand, Jorge More Claderon, Mathieu Calmelet, Marie-Laure Caradec, Sylvain Decloitre, Marianne Descamps, Olivier Dubois, Jacquelyne Elder, Virginie Garcia, Karine Girard, Ines Hernandez, Mohamed Kouadri, Isabelle Kürzi, Sebastien Ledig, Thierry Micouin, Loren Palmer, Sebastien Perrault, Sandra Savin

 

Du 19 au 21 juillet 2018 à 22h

Lycée Jacques Decour

12 avenue Trudaine

75009 Paris

Réservation 01 44 94 98 00

www.parislete.fr

 

 

 

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