ff article de Denis Sanglard
Attention, ça dépote ! Thebadweeds, trois créatures hybrides, trans-espèce, mi-humain, mi végétal, a-genrées, soit un groupe de musique entrant en résistance pour qui demain, le futur, sera végétal, écolo ou ne sera pas. Un concert conçu comme une performance où ces trois-là sur une musique électro-pop chantent et dansent, slament, comme herbes folles dans le vent pour alerter de l’urgence climatique et de l’écocide en cours. On y parle d’herbicide, de photosynthèse et d’amour solaire… C’est drôle, furieux, poétique et complétement barré. Ces mauvaises herbes ne sont pourtant pas de la mauvaise graine. Loin de là. Les racines de ce projet sont profondes. Il y a urgence, la planète brûle et on regarde ailleurs. Mais foin de jouer avec nos peurs, les discours culpabilisateurs, les injonctions moralisatrices, la proposition aussi surréaliste peut-elle paraître n’en est pas moins sérieuse et argumentée dans son propos. C’est un nouvel espace de réflexion que Rocio Berenguer propose, plus ludique et festif, voire sauvage et indisciplinée, puisque l’herbe « (…) n’existe qu’entre les grands espaces non cultivés (…) » comme l’expriment Deleuze et Guattari (in Milles Plateaux) dont il est fait référence dans cette performance. C’est donc naturellement dans cet espace-là, ce champs non labouré, que nos Badweeds ont décidé de proliférer, en toute liberté. Sur le plateau nos trois créatures herbacées ne manquent pas d’énergie ni de conviction, comme shootées à la photosynthèse. Et aussi sauvages paraissent-elles, elles connaissent du bout de leurs racines les codes de la pop-culture, de sa communication ultra-efficace, qu’elles détournent vertement, avec beaucoup d’ironie, pour mieux disséminer en chacun des spectateurs les graines d’un discours éco-responsable et politique loin d’être volatil. C’est parfois, du point de vue chorégraphique, un peu répétitif c’est vrai, mais qu’importe, le décalage, voire le paradoxe, entre ces mutants chlorophylliens sans formes préhensibles, qu’on imagine asexués, adopter les codes hypersexués de la pop ne manque pas d’épines. L’écologie, oui, ça peut être sexy. A nous avec ça, modernes Candide quelque peu défaits devant un avenir compromis, de cultiver notre jardin, faire pousser de nouvelles utopies. Parce qu’en fin de compte, pour citer Deleuze et Guattari une dernière fois, « (…) c’est toujours l’herbe qui a le dernier mot (…) ».
Thebadweeds, ecriture, mise en scène, chorégraphie de Rocio Berenguer
Interprètes : Haini Wang, Amandine Balet, Marcus Dossavi Gourdot
Interprètes impliqué.e.s dans la création : Julien Moreau, Rina Murakami
Composition musicale : Baptiste Malgloire, KillaSon, Rocio Berenguer
Regard extérieur : Marja Christians
Créateur lumière : Thomas Laigle
Régie son : Emil Baghino
Costumes : Aline Pérot alias femme d’intérieur
Du 4 au 6 mai 2023 à 19h
Théâtre de la Ville / Espace Cardin-studio
1 avenue Gabriel
75008 Paris
Réservations : 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
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