À l'affiche, Critiques // The importance of being earnest, opéra-comique de Gérald Barry, d’après Oscar Wilde, mise en scène de Julien Chavaz à l’Athénée théâtre Louis Jouvet

The importance of being earnest, opéra-comique de Gérald Barry, d’après Oscar Wilde, mise en scène de Julien Chavaz à l’Athénée théâtre Louis Jouvet

Mai 20, 2019 | Commentaires fermés sur The importance of being earnest, opéra-comique de Gérald Barry, d’après Oscar Wilde, mise en scène de Julien Chavaz à l’Athénée théâtre Louis Jouvet

 

© Diane Deschenaux

 

ƒƒƒ Article de Philippe Escalier

De ce vaudeville génial et plein de panache comme Oscar Wilde savait si bien en écrire, Gérald Barry a fait un opéra-comique contemporain, sublimé par la mise en scène colorée et délicieusement exubérante de Julien Chavaz.

« Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéïenne », le triste adage romain n’a jamais paru plus adapté qu’en 1895 quand Oscar Wilde triomphe avec ses deux dernières pièces, De l’importance d’être constant et Un mari idéal, immédiatement suivi par une déchéance complète née d’un procès pour atteinte aux bonnes mœurs qui le condamne à deux terribles années de travaux forcés. Avant cette déchéance, son verbe et son goût pour l’aphorisme saillant l’avaient propulsé à un degré de gloire rarement atteint, lui permettant de décrire avec un esprit mordant ces classes supérieures qui vont pourtant l’encenser, avant de le vouer aux gémonies. Et l’on retrouve ses thèmes de prédilection, l’hypocrisie de la bonne société, une frivolité cultivée comme un art de vivre et les inénarrables rapports homme-femme dans De l’importance d’être constant, ce vaudeville où deux jeunes hommes s’inventent chacun un alter ego imaginaire pour échapper à leurs obligations mondaines, avant de payer le prix de leur stratagème.

C’est principalement une commande du Philharmonique de Los Angeles et de son chef, Gustavo Dudamel qui entraîne le compositeur irlandais Gerald Barry à composer la musique de cet opéra dont la pièce d’Oscar Wilde sert de livret. Une œuvre d’une grande modernité (elle a été créée en 2011), très rythmée, quasi atonale, que ses dissonances rendent peut-être un peu difficile pour les oreilles sensibles (on ne refera pas ici le procès de la musique contemporaine) mais qui a du moins le mérite d’être en accord avec la folie endiablée et les côtés absurdes qui constamment émergent de la pièce. Malgré ce qui pourrait passer, à première écoute, pour un défaut (au moins sonore), l’ensemble est parfaitement heureux, cohérent et irrésistiblement drôle, il arrive même que les rires couvrent la fureur de l’orchestre. Le metteur en scène Julien Chavaz, un habitué des plateaux d’opéra, réussit l’exploit d’accorder tout à la fois le verbe, le son et le jeu, donnant à chacun tout leur sens, dans une profonde homogénéité. Avec un art consommé et une rigueur presque mathématique, il présente un univers déjanté, (que l’on pourrait rapprocher de celui d’un Tim Burton joyeux), plein d’humour et fantasque, d’une originalité incroyable, ponctué parfois d’autodérision et pourtant soucieux de servir avec la plus grande fidélité le duo Wilde-Barry. Ses personnages, tous fêlés comme il se doit, distingués par une teinte pastel portée de la tête aux pieds, assortis à ses fonds, présentent une extravagance bigarrée toute britannique, à la fois dans leur gestuelle et dans leur allure. Et dans cette débauche musicale et colorée, ne reculant devant aucune audace, l’on retrouve toute la splendeur de l’œuvre qui, sous couvert de présenter un monde régi par les normes et les convenances, célèbre l’anarchie, doublement présente chez les musiciens comme chez les chanteurs. L’ensemble n’aurait pu être aussi parfait sans une troupe soudée et douée pour le chant et la comédie. Timur, Ed Ballard, Alison Scherzer, Nina van Essen, Jessica Walker, Graeme Danby (dans son rôle travesti), Vincent Casagrande et Steven Beard forment un octuor americano-britannico-hollando-suisse remarquable, d’un niveau international, n’hésitant pas à pousser leur personnage à l’extrême, avec une interprétation débridée mais très contrôlée. Portés par le bel orchestre de chambre fribourgeois dirigé par le jeune chef Jérôme Kuhn, ils nous convient à l’heureuse célébration d’un mariage théâtral et opératique, unique occasion d’un moment d’allégresse, parfaitement réussi et partagé.

 

© Magali Dougados

 

The importance of being earnest, d’après Oscar Wilde

Opéra-comique en 3 actes de Gérald Barry

Direction musicale : Jérôme Kuhn

Mise en scène : Julien Chavaz

Avec l’Orchestre de chambre fribourgeois

Spectacle en anglais surtitré en français

Costumes : Severine Besson

Scénographie : Julien Chavaz et Séverine Besson

Perruques et maquillages : Sanne Oostervink

Lumières : Eloi Gianini

Chorégraphie : Nicole Morel

Dramaturgie : Anne Schwaller

Chefs de chant : Stephanie Gurga, Silvia Fraser et Florent Lattuga

Constructeur des décors : Yves Besson

Peintures : Lola Sacier et Valérie Margot

Directeur technique : Alain Menétrey

Technique : Jakub Dlab

Assistante à la mise en scène : Lauriane Tissot

 

Avec Alison Scherzer, Steven Beard, Nina van Essen, Graeme Danby, Timur, Ed Ballard, Jessica Walker, Vincent Casagrande

 

Du 16 au 24 mai 2019

Mercredi, jeudi, vendredi à 20 h

Durée 1 h 40

 

L’Athénée, théâtre Louis Jouvet

 

Square de l’Opéra Louis-Jouvet

7 rue Boudreau

75009 Paris

Renseignements 01 53 05 19 19

www.athenee-theatre.com

 

 

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