© Philip Frowein
ƒ article de Nicolas Thevenot
Ils sont relax, étendus ou se promenant détendus sur le plateau de la petite salle de La Commune. Marcel, Converse, bob, bermuda, ces danseurs venus d’Afrique du Sud, chorégraphiés par Jeremy Nedd, exhibent les codes urbains de la communauté afro-américaine. On se salue : tout une gestuelle ritualisée, réajustée et réimprovisée à chaque rencontre. D’emblée The Ecstatic donne l’impression d’un déplacement, comme si un morceau d’un autre territoire avait été découpé et transporté avec ses habitants à Aubervilliers. C’est cut. Cette bande, ce groupe, ce chœur, formé de six danseurs électriques portent The Ecstatic : une hybridation de pratiques sociales et religieuses d’Afrique du Sud (le pantsula, danse contestataire) et des Etats-Unis (le Praise break pentecôtiste, mêlant danse, musique et chant). La danse ainsi convoquée engage particulièrement le corps, s’appuyant sur des battements frénétiques des pieds, alternant talons et pointes, tels, en filigrane, des danseurs de claquette remixés, des sifflements, des cris. Le corps est porté à ses extrémités physiques jusqu’à l’épuisement. Les yeux sont exorbités, les mains sont frappées jusqu’à s’en arracher la peau.
Et pourtant, et malgré cette débauche d’énergie, difficile de faire corps avec cette proposition, difficile de ne pas rester à l’écart comme lors d’une cérémonie religieuse dont on ne partagerait pas la croyance. L’aspect programmatique de The Ecstatic, son approche presque exclusivement, cultuelle et culturelle, voire ethnologique, produisent un désagréable effet d’exposition où le spectateur peut se sentir étrangement convoqué, ne sachant comment regarder et recevoir ce geste, sans tomber dans une sorte de tourisme exotique problématique. La chorégraphie crée un enfermement des performers, une réclusion : les regards sont le plus souvent fermés, coupés de la salle, la performance physique apparaît comme une fuite en avant pour couper court à la confrontation avec la salle, les visages se parent d’affectations comme des masques. Le geste artistique se déploie mais replié sur lui-même telle une prière inaudible.
© Philip Frowein
The Ecstatic, conception, chorégraphie : Jeremy Nedd & Impilo Mapantsula
Performance, chorégraphie : Kgotsofalang Moshe Mavundla, Tommy Tee Motsapi, Bonakele Mambotjie Masethi, Sicelo Malume ka Xaba, Sello Zilo Modiga, Vusi 2.2 Mdoyi
Régie générale et création lumières : Thomas Giger
Régie plateau : Laura Knüsel
Musique et composition : Xzavier Stone et Modulaw
Création sonore : Fabrizio Di Salvo
Dramaturgie : Anta Helena Recke
Regards extérieurs : Deborah Joyce Holman, Maximilian Hanisch
Durée : 70 minutes
le 14 juin 2023 à 19h30
La Commune – CDN Aubervilliers
2 rue Edouard Poisson
93300 Aubervilliers
Tél : +33(0)1 48 33 16 16
Dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis
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