À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // The Dante Project, de Wayne McGregor, d’après Dante, musique de Thomas Adès, Opéra National de Paris (Palais Garnier)

The Dante Project, de Wayne McGregor, d’après Dante, musique de Thomas Adès, Opéra National de Paris (Palais Garnier)

Mai 06, 2023 | Commentaires fermés sur The Dante Project, de Wayne McGregor, d’après Dante, musique de Thomas Adès, Opéra National de Paris (Palais Garnier)

  

 © Ann Ray

 

ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

 Quelle belle idée d’avoir consacré à La Divine Comédie un ballet ! Si belle qu’il est étonnant qu’aucun grand chorégraphe, comme Béjart ou Preljocaj, n’y ait pensé avant. The Dante Project n’a toutefois pas officiellement l’objectif de coller au texte ou d’être illustratif selon les déclarations de son chorégraphe Wayne McGregor. Sont respectés néanmoins les trois temps incontournables (Inferno, Purgatorio, Paradisio) du chef d’œuvre italien aujourd’hui vieux de sept siècles. Chacun des trois Actes de The Dante Project est par ailleurs accompagné d’un sous-titre (Pélerin, Amour, Poema Sacro).

Wayne McGregor a choisi de s’entourer de Thomas Adès pour la composition et de Tacita Dean pour la scénographie. On ne peut s’empêcher de trouver amusant que le patronyme du compositeur de la partition de ce ballet soit un homonyme du Dieu grec des enfers !

Sur le plan scénographique, le premier tableau de l’enfer est le plus beau et le plus original, sombre bien entendu mais paradoxalement lumineux aussi tant dans le travail du fond de scène (noir mélangé à de la craie tout comme les académiques des danseurs), que grâce à l’effet produit par un étrange miroir suspendu qui annonce parfois à l’avance l’arrivée de danseurs sur scène. Etrange quant à sa signification (une percée vers le monde des vivants ?) et très réussi sur le plan esthétique (montagne reflétée à l’endroit), plus proche des représentations de Blake ou de Gustave Doré que de Botticelli (à part la reprise de l’idée des cercles). Etonnant aussi le choix pour le deuxième Acte d’une toile représentant un arbre dont le feuillage change de couleur au fil des 25 minutes du Purgatoire, passant du vert au rose, placée à cour légèrement en diagonale. Dans la troisième partie c’est un écran vidéo suspendu assez haut qui projette sobrement des images de spirales lumineuses retravaillés par la décoratrice britannique avec différents filtres.

Créé au Royal Opera House en 2021 avec le Royal Ballet de Londres, le ballet est repris en ce mois de mai par les danseurs de l’Opéra de Paris coproducteur.

Le soir de la seconde représentation, on sentait encore un flottement parfois, la synchronisation était loin d’être parfaite dans certains ensembles, notamment féminins de la première partie. Certains solos et duos (notamment Guillaume Diop très récemment nommé étoile avec Bleuenn Battistoni) sont en revanche de toute beauté, ainsi que les plus grandes formations mixtes dans les mouvements et figures chorégraphiques très véloces (La Forêt des suicides et Le Chemin de croix). Si les étoiles sont évidemment irréprochables en technique classique, tous ne sont pas à l’aise avec certains aspects de la chorégraphie, en particulier la plus sensuelle sur la partie musicale orientalisante du deuxième Acte. Un danseur sort incontestablement du lot dans les ensembles masculins. Sans chercher à s’imposer, Jack Gasztowtt impressionne dans ses ondulations et surtout la perfection de ses transitions vers les figures plus classiques, notamment ses arabesques sublimes jusqu’au bout de ses magnifiques coups de pieds. Une graine d’étoile dans ce sujet. Toujours dans ce second Acte du Purgatoire, une grande fraicheur s’empare du plateau dans la scène où Béatrice et Dante apparaissent avec leurs doubles sortis de l’enfance. La jeune Inès Briki en Béatrice enfant est absolument irrésistible et Bleuenn Battistoni lumineuse. Hannah O’Neill est plus en retenue, ce qui sied sans doute à l’âge adulte de son rôle. Mais pourquoi diantre les avoir affublées de ces affreuses robes en plastique ?

Germain Louvet, en Dante, quasiment omniprésent, souvent en compagnie d’Irek Mukhamedov, maître de ballet à l’opéra de Paris jouant Virgile, est solaire dès les premières secondes de son apparition sur scène en robe verte.

Le langage chorégraphique, que l’on pourrait qualifier de néoclassique se fait plus contemporain par moments, sans être extrêmement novateur, ce qui en soi n’est pas particulièrement problématique. En revanche, plus ennuyeux pour le spectateur est l’impression à plusieurs reprises d’un décalage entre partition et chorégraphie, non pas par manque de travail ou de volonté délibérée, mais peut-être à plusieurs reprises en raison d’une surcharge musicale semblant faire passer l’orchestre, avant les danseurs, la musique avant la danse ou sur la danse, ce que le Dante-Symphonie de Liszt (qui est une source d’inspiration pour l’Enfer ; sachant que le compositeur hongrois n’a pas écrit le Paradis qui a été remplacé par un Magnificat) n’aurait sans doute pas provoqué comme impression avec cette même chorégraphie.

Il reste que la soirée est réjouissante et qu’après cette quatrième prestation à l’Opéra de Paris, on se demande quel grand chef d’œuvre Wayne McGregor, qui a le don pour s’intéresser aux grands auteurs et aux œuvres phares, choisira pour son prochain passage parisien.

 

© Ann Ray

 

 

The Dante Project d’après Dante

Chorégraphie : Wayne McGregor

Musique : Thomas Adès

Direction musicale : Thomas Adès en alternance avec Courtney Lewis

Dramaturgie : Uzma Hameed

Décors et costumes : Tacita Dean

Assistant Design : Catherine Smith

Lumières : Lucy Carter, Simon Bennison

 

Avec : Germain Louvet (Dante), Irek Mukhamedov (Virgile)

Et les Étoiles, les Premières Danseuses, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris

 

 

Durée 2h45 (dont 2 entractes)

 

Opéra national de Paris (Palais Garnier)

Place de l’Opéra

75009 Paris

 

Jusqu’au 31 mai 2023, à 19h30

 

www.operadeparis.fr

 

Be Sociable, Share!

comment closed