ƒƒ article de Florent Mirandole

© Marc Stephan

Milo Rau est un lanceur d’alerte. Il n’a pas révélé la surveillance de la NSA ni les bavures militaires de l’armée américaine, mais la disparition silencieuse de la Communauté européenne. Comme un immeuble dont les murs se fissurent peu à peu, la maison européenne est sur le point de s’affaisser. Alors que certains décident de quitter l’édifice, Milo Rau prône le retour d’un idéal collectif, d’une « histoire commune ».

Le point de départ de « The Civil Wars » est justement le récit du départ pour la Syrie d’un jeune djihadiste belge. Face à une camera dont l’image est projetée au dessus des acteurs, le jeune Sébastien Foucault raconte alors le combat du père pour ramener son garçon en Belgique. Dangereuse, infatigable, obsessionnelle, cette recherche incarne à la fois la force et la faillite d’une autre forme de communauté, celle de la famille. Pour Milo Rau, la fin de l’idéal européen est à rechercher dans le délitement plus profond de ce lien essentiel, structurant, qu’est la famille.

Evitant intelligemment les discours nébuleux ou les leçons de morale, Milo Rau a choisi d’aborder cette question à travers le témoignage de quatre acteurs. Enchâssés les uns dans les autres, le récit de ces histoires personnelles nous transporte notamment dans la vie quotidienne d’un travailleur algérien immigré, le père de l’acteur Karim El Tahiri, ou encore au milieu des essais de l’acteur Johan Leysen devant un Jean-Luc Godard plus vrai que nature. Le point commun de ces témoignages denses, frappants, c’est la faillite de la figure paternelle. Qu’elle soit violente, absente ou au bord de la folie, la figure paternelle apparaît en faillite, accompagnant si ce n’est provoquant l’effritement d’un projet commun européen.

Les spectacles « engagés » où les textes et les décors sont au garde à vous pour servir les convictions de leur auteur s’avèrent souvent vains. « The Civil wars » évite pourtant les chausse-trappes que pose la question du djihadisme ou de la construction européenne. En se contentant de mettre en scène de manière minimaliste les quatre témoignages, l’auteur continue de sonder l’âme européenne tout en restant à distance. Son objectif final n’en reste pas moins de réanimer le projet européen, car « The Civil wars » reste un appel à une prise de conscience et à l’engagement. En attendant notre réveil, Milo Rau continuera de se battre.

« The Civil wars » de Milo Rau
Texte et interprétation
Karim El Tahiri, Sara De Bosschere, Sébastien Foucault, Johan Leysen
Recherche et dramaturgie
Eva-Maria Bertschy
Scénographie et costumes
Anton Lukas
Vidéo
Marc Stéphan
Son
Jens Baudisch
Lumière
Abdeltife Mouhssin, Bruno Gilbert, Aymrik Pech

Du 10 au 15 mars
A 20h30

Theatre Nanterre-Amandiers
7 Avenue Pablo Picasso, 92000 Nanterre
RER Nanterre préfecture
Réservation 01 46 14 70 70
www.nanterre-amandiers.com

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