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Terrasses, de Laurent Gaudé, mise en scène de Denis Marleau, La Colline, Paris

Mai 23, 2024 | Commentaires fermés sur Terrasses, de Laurent Gaudé, mise en scène de Denis Marleau, La Colline, Paris

 

© Simon Gosselin

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Voici un spectacle vers lequel on peut se rendre avec une certaine appréhension. Terrasses, de Laurent Gaudé et mis en scène par Denis Marleau prend comme sujet les attentats de novembre 2015. Oui. Etrange a priori, étonnant. Un spectacle là-dessus ? Comment est-ce possible ? Comment tout court, même. La salle est pleine, dans un silence absolu pendant ces deux heures et un peu plus, comme abasourdie.

Nous sommes face à un souvenir, entre réalité et fiction, les personnages de Terrasses ne sont évidemment pas réels mais reprennent, entre réalité et fiction, les évènements : ils boivent un verre entre copains puis tombent, meurent ou se cachent, sur une première terrasse, les mêmes sur une deuxième, ou alors dansent au Bataclan, et ont une « hyper-conscience » de ce qui se passe, qu’ils sont tombés, qu’on les tue, qu’ils sont morts et racontent. Pensons à la mort des jumelles. Puis la police, les pompiers, les infirmiers. La scène est nue, le mur du fond laisse apparaître des détails, des ombres, des idées de passage de voiture, de mouvement, idées de rues, de sol, de murs, de terreur, surprise, souffrance, lutte. De mort. Tout se suit, s’accumule, les souvenirs sont là. C’est comme si nous regardions lentement des photos vivantes pour un temps. Elles bougent de l’intérieur, le sol monte, descend. Le sujet de l’image se fixe, puis tombe dans le noir, s’efface tout en laissant deviner des silhouettes. Apparitions, disparitions. Paroles, mouvements et rien. Les grandes images du fond, impressions, font ressentir très précisément le lieu. Le nom n’est pas là, juste une indéniable sensation par des détails gigantesques. Impressions d’être sur une plage, l’image arrive, cesse de bouger, vibre à peine et l’obscurité est là, tombe. d’autres personnages reviennent, différents et les mêmes. Mort, terreur, douleur extrême. Les rires et la joie du début n’existent plus. Même les pompiers, les infirmières sont anéantis, sont humains comme on ne l’imagine pas assez souvent. Les terroristes ne sont pas représentés. Seulement leur immondice terrifiant. Puis les proches des victimes sont sur scène, comme le père de Julie, ou bien la mère des sœurs jumelles… La douleur permanente qui explose. Victimes supplémentaires qui ne se déferont jamais de cette journée de novembre. Et ce personnage, Mathieu, dans les bras duquel meurt Julie, est l’exemple de la réussite de ce spectacle, s’il fallait n’en citer qu’un. Lorsqu’à nouveau on parlera ici ou là de ces attentats, il y a des chances que Mathieu soit présent. A juste titre.

Terrasses est une pureté noire. C’est une sorte de chant, sobre et prenant. Un hymne. Et qui fonctionne. Jeux, décors, lumières sont des gifles, étouffent dans un sens épique et positif. Mémoire, mémoire, mémoire ! Le texte nous prend à la gorge, même si, ici où là, il se roule dans la boue, se relève mal ou revient. On a le souffle coupé et paf ! un peu plus encore. Facile à dire confortablement installé dans la jolie salle de La Colline mais cela peut aussi chercher à « montrer », avec succès, le trop du 13 novembre 2015. L’encore. L’anéantissement.

Denis Marleau, né en 1954, est un des membres majeurs du théâtre québécois, et entre autres Prix Denise-Pelletier en 2014 et Compagnon de l’Ordre des arts et des lettres du Québec en 2021. Et oui, sa force se ressent ici encore. Terrasses, ce chœur, mériterait de devenir, épopée des morts et des vivants, souvenir. Dans toute sa sobriété. Les lumières s’éteignent, c’est terminé et on ne sait pas s’il faut applaudir, si on va pouvoir, si tout ce bruit joyeux suivra à propos toutes ces images. Sur scène, on devine sur les visages saluant une fatigue intense. Les sourires sont épuisés. « Nous resterons tristes longtemps mais pas terrifiés. Pas terrassés. » écrit Laurent Gaudé. Bravo.

 

© Simon Gosselin

 

 

Terrasses, écrit par Laurent Gaudé

Mise en scène par Denis Marleau

Scénographie, vidéo et collaboration artistique : Stéphanie Jasmin

Musique originale : Jérôme Minière

Lumières : Marie-Christine Soma, assistée de Raphael de Rosa

Costumes : Marie La Rocca, assistée d’Isabelle Flosi et de Claire Hochedé

Maquillages et coiffures : Cécile Kretschmar, assistée de Mityl Brimeur

Montage et staging vidéo : Pierre Laniel

Design sonore : François Thibault

Conseil chorégraphique : Stéphany Ganachaud

Assistanat à la mise en scène : Carol-Anne Bourgon Sicard et Sérine Mahfoud

Assistanat à la scénographie : Marine Plasse

Fabrication des accessoires, costumes : Ateliers de La Colline

Construction du décor : Atelier de La Colline, en collaboration avec Hervé Cherblanc

 

Avec : Anastasia Andrushkevich*, Marilou Aussiloux, Sarah Cavalli Pernod, Orlène Dabadie*, Daniel Delabesse, Axel Ferreira*, Charlotte Krenz, Marie-Pier Labrecque, Jocelyn Lagarrigue, Victor de Oliveira, Alice Rahimi, Lucile Roche*, Nathanaël Rutter*, Emmanuel Schwartz, Monique Spaziani, Madani Tall, Yuriy Zavalnyouk

*de la jeune troupe de La Colline

 

Du 15 mai au 9 juin 2024

Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h et le dimanche à 16h

Durée estimée 2h15

 

La Colline / Grand Théâtre

15 rue Malte-Brun

75020 Paris

Réservation 01 44 62 52 52

Adresse du site email : www.colline.fr

 

 

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