© Marie Charbonnier
ƒƒƒ article de Corinne François-Denève
Terminus. Voilà un titre bien trompeur. Certes, il désigne l’arrêt de bus près duquel l’héroïne décide de camper, attendant avec détermination l’amour. Mais rien de terminal, de clos et de définitif dans la pièce écrite par Kim Biscaïno, clownesse formée au Canada, puis chez Jacques Lecocq, et qui a décidé de se perfectionner dans le théâtre plus « classique » au TNS : l’héroïne, un temps engluée dans les injonctions contradictoires des magazines féminins, un temps prise dans les méandres d’une histoire passée avec un homme qui ne l’aime plus à mourir ou qui a dû reprendre un train pour aller dormir chez la dame de Haute-Savoie, un temps complètement perdue dans la jungle de son existence, elle-même remplie de lions, chiens, concierges lusophones, poulets et cochons en plastique, cette héroïne, donc, dans un sursaut de vie, se reprend en main et, sous nos yeux, se transforme en sexy lady décidée à mordre la vie à pleines dents, ou à tout le moins à lui laisser une chance, un tout petit peu. Ce Terminus pointe donc avec une grande délicatesse vers un futur plus rose, tout plein de légères bulles de savon, que le spectateur se sent libre d’imaginer.
Terminus : il n’y a rien de terminal, de clos et de définitif chez Kim Biscaïno : elle maîtrise absolument le personnage qu’elle s’est créé, et dont on s’imagine qu’il est le fruit d’un long cheminement, d’un artisanat sans cesse en proie au (bon) doute. On sent également que l’histoire est un patchwork d’exercices, de scènes, d’épisodes travaillés et retravaillés, pour parvenir à une perfection technique impeccable, à un geste artistique essentiel, à une fable claire, lisible, réduite à l’essentiel, mais dont on ne sait jamais quel tour elle va prendre, vers quel registre elle va basculer. Biscaïno s’empare du plateau dès les premières secondes, toute en énergie. On n’imagine guère alors qu’elle va pouvoir nous émouvoir aux larmes sur une chanson triste et gaie. Ni qu’elle va soudain se mettre à vibrer au son du hip hop sur le plateau.
Terminus : non, décidément, pas de terminus. La proposition est si riche et si prometteuse qu’elle peut se vivre partout, minimaliste, dans un garage à Avignon, au fin fond du Off, ou à l’Œuvre, ou sur n’importe quelle grande scène: dans ce cas les effets spéciaux prendront juste plus d’ampleur, et l’espace balayé sera juste plus large. Le personnage, le jeu, l’histoire : tout y est. Il ne manque plus, désormais, même si on se réjouit que La Flèche programme ce petit joyau, que la chance, et le coup de pouce de quelque directeur de (plus grande) salle qui passerait par-là, tandis que Kim attend à son arrêt de bus l’amour, ou, et c’est tout le mal qu’on lui souhaite, la gloire et le succès.
© Marie Charbonnier
Terminus de Kim Biscaïno
Mise en scène : Brice Cousin
Assistante mise en scène : Maëva Husband
Assistante chorégraphie : Anouk Viale
Avec : Kim Biscaïno
À partir de 5 ans
Tous les dimanches à 16 h, du 13 octobre au 24 novembre 2019
Durée : 50 minutes
Théâtre La Flèche
77 rue de Charonne
75011 Paris
Réservation au 01 40 09 70 40
www.theatrelafleche.fr
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