À l'affiche, Critiques // Tempête en juin et Suite française, d’après Irène Némirovsky, mise en scène de Virginie Lemoine et Stéphane Laporte, Théâtre La Bruyère

Tempête en juin et Suite française, d’après Irène Némirovsky, mise en scène de Virginie Lemoine et Stéphane Laporte, Théâtre La Bruyère

Sep 12, 2019 | Commentaires fermés sur Tempête en juin et Suite française, d’après Irène Némirovsky, mise en scène de Virginie Lemoine et Stéphane Laporte, Théâtre La Bruyère

 

© DR

 

 

ƒƒ article de Corinne François-Denève

Il y a quelques années, Virginie Lemoine s’était déjà emparée d’une petite nouvelle d’Irène Némirovsky, Le Bal, pour en tirer une pièce douce-amère, qui avait connu le succès d’abord à Avignon, puis à Paris. Rebelote cette année : cette fois, c’est à l’ouvrage le plus connu de Némirovsky, le très beau et inachevé Suite française que Virginie Lemoine, en compagnie de Stéphane Laporte, s’attaque ; la pièce, rodée à Avignon dès 2018, se joue désormais à Paris. Le livre de Némirovsky devait comporter cinq volumes. La déportation de l’autrice a empêché l’achèvement de l’œuvre, sur laquelle on ne peut émettre que des conjectures. Ne subsistent en effet de la « suite » projetée que Tempête en juin, récit de l’exode de 40, et Dolce, histoire de la relation qui va lier Lucie à Bruno – Lucie est française, et Bruno un officier de la Wehrmacht, qui a réquisitionné la maison qu’elle occupe avec sa belle-mère. Les deux épisodes entretiennent entre deux des liens ténus. Toutefois, Virginie Lemoine et Stéphane Delaporte ont fait le pari de réunir dans une même soirée les deux pièces. À 19 h, donc, se joue Tempête en juin, suivi à 21 h de Suite française (l’épisode Dolce). En guise de « fin », Lemoine et Delaporte font le choix de suspendre le sort de leur héroïne, partie en Résistance, ou en fuite, en faisant dire à un autre personnage « qu’elle ne reviendra pas ». Apparaît alors sur scène un surtitrage qui renvoie à la propre vie de Némirovsky, jamais revenue, dans un curieux raccourci qui identifie l’autrice à son personnage (qui a priori n’avait rien d’autobiographique). Concession un peu facile au pathétique, sans doute, dont il est difficile de se départir dès qu’on évoque, ou aborde Némirovsky.

Les deux pièces, nées d’un même substrat, fortes d’une même « couleur » (du marron, du gris, celui des films ou des documentaires sur l’époque), sont toutefois extrêmement dissemblables. Dans Tempête en juin, Franck Desmedt dit seul le texte de Némirovsky, endossant la myriade de personnages que l’autrice fait se côtoyer sur les routes de l’exode. L’exercice tient de la prouesse (l’affreux écrivain Corte, le chat Albert, la danseuse Arlette Corail…), ne lasse pas, mais reste sans doute un tour de force de comédien qui laisse un peu froid, même s’il fait entendre l’ironie douce et le fantastique style de Némirovsky. On mesure combien cette prose souple et subtile, pleine de revers, de surprises et de mots d’autrice, se coule bien dans le moule du théâtre.

Suite française se veut plus traditionnel, en ce sens que les personnages sont incarnés par des acteurs de chair et d’os. L’intrigue est solidement campée, et Virginie Lemoine exploite de façon intelligente les contraintes de son espace, l’ouvrant vers des forêts, des jardins, des caches secrètes. Elle connaît parfaitement son autrice, et sa petite musique. Comme pour Le Bal, elle a fait le choix de donner un ton pathétique et burlesque au texte (qui recèle sans doute une dimension plus désespérément ironique, qu’il est toutefois difficile de rendre au théâtre). Les deux personnages de la bonne et de la vicomtesse-mairesse, campés avec un talent certain par Emmanuelle Bougerol et Guilaine Londez, sont ainsi autant de respirations comiques. Florence Pernel et Samuel Glaumé interprètent avec justesse le duo d’amoureux contrarié par l’histoire. Béatrice Agenin, en marâtre patriote, trouve des accents tragiques. Le spectacle est juste, honnête et lucide. Il est en tout cas un bel hommage à Némirovsky, et une belle façon de faire connaître son œuvre au-delà de son cercle de lecteurs et de lectrices.

 

© Karine Letellier

 

 

Tempête en juin, d’après Irène Némirovsky

 

Mise en scène : Virginie Lemoine et Stéphane Laporte

Adaptation : Virginie Lemoine & Stéphane Laporte

Illustrations : Sylvain Bossut

Lumières : Denis Koransky

Musique : Stéphane Corbin

Création Sonore : Vincent Lustaud

Animation : Images Franck Couder

Avec Franck Desmedt

 

À partir du 10 septembre 2019

Du mardi au samedi à 19 h et matinée le samedi à 15 h

Durée 1 h

 

Suite française, d’après Irène Némirovsky

Mise en scène de Virginie Lemoine

Adaptation : Virginie Lemoine & Stéphane Laporte

Lumières : Denis Koransky

Musique : Stéphane Corbin

Création Sonore : Sébastien Angel

Décors : Grégoire Lemoine

Assistant mise en scène : Laury André

Costumes : Christine Chauvey

Coiffures : Christophe-Nicolas Biot

Avec Florence Pernel, Béatrice Agenin, Guilaine Londez, Samuel Glaumé, Emmanuelle Bougerol et Cédric Revollon en alternance avec Gaétan Borg

 

À partir du 10 septembre 2019

Du mardi au samedi à 21 h et matinée le samedi à 16 h 45

Durée 1 h 20

 

 

Théâtre La Bruyère

5 rue La Bruyère

75009 Paris

Réservation au 01 48 74 76 99

www.theatrelabruyere.com

 

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