ƒ article de Denis Sanglard

Galin Stoev met en scène Tartuffe à la Comédie-Française. Une mise en scène honnête et pertinente, malgré une fin ratée, enlevée par une troupe en grande forme – les femmes surtout – mais qui ne révolutionnera pas la Maison. Galin Stoev, c’est décidemment en vogue ces derniers temps, présente une famille en crise. Femmes frustrées, autorité bafouée, dialogue rompu. Une famille qui n’a d’horizon qu’elle-même, repliée, son image démultipliée par les deux vastes miroirs sans tain qui encadrent cette antichambre vide. Un lieu de passage sans réelle intimité ou tous sont exposés au regard de chacun et particulièrement de Tartuffe dont les affidés semblent omniprésents. Tartuffe à qui la folie d’Orgon bénéficie, agit comme un révélateur, reflet de leur vacuité, et fait imploser la famille. Michel Vuillermoz est un Tartuffe froid, retenu et presque en retrait qui ne se réchauffe, c’est un euphémisme, que devant Elmire. Un Tartuffe qui semble même douter de son emprise et de la réussite de son entreprise. Face à lui Didier Sandre est un Orgon fébrile et colérique tentant vainement de garder son calme. Complémentaire comme les deux faces d’une même pièce. Cependant ce n’est pas le couple infernal auquel nous aurions pu prétendre. Point de noirceur extrême. Il y a même quelque chose d’innocent sinon d’inoffensif malgré la perversité apparente de leur relation… Une question de jeu où les comédiens semblent hésiter dans le registre à adopter. De fait nous restons sur une crête, indécis quant à la nature exacte de cette relation. Non la surprise vient des femmes. Claude Mathieu campe une dame Pernelle péremptoire, dévote haute en couleur, tombant de haut au sens littéral… Elsa Lepoivre est une Elmire magnifique de sensibilité, toute en nuance. Sa confrontation avec Tartuffe qui l’accule aux pires extrémités, donne à son personnage un éclairage doloriste marquant la souffrance d’une femme soumise à la tyrannie masculine et qui soudain se reprend. A l’image de Marianne, Anna Cervinka, impuissante devant la volonté de son père et la lâcheté de son amant. Et puis il y a dans le rôle de Dorine, Cécile Brune, impériale de gouaille et de réparties. Plus gouvernante que servante, elle régit la demeure et ses occupants avec poigne. C’est sans doute là que réside la réussite de la mise en scène somme toute classique de Galin Stoev. Sa direction d’acteur, volontairement ou non, donne aux femmes un positionnement ferme et féministe, osons le mot, qui oriente la pièce vers une interprétation singulière. Tartuffe baisse le pantalon mais les femmes ici portent la culotte…

Tartuffe
de Molière
Mise en scène de Galin Stoev
Avec Claude Mathieu, Michel Favory, Cecile Brune, Michel Vuillermoz, Elsa Lepoivre, Serge Bagdassarian, Nâzim Boudjenah, Didier Sandre, Anna Cerninka, Christophe Montenez et les élèves comédiens de la Comédie-Française Claire Boust, Ewen Crovella, Thomas Guené, Valentin Rolland
Collaboration artistique Frédérique Plain
Scénographie Alban Ho Van
Costumes Bjanka Adzic Ursulov
Lumières Elsa Revol
Musique originale Sacha Carlson

Comédie-Française
Salle Richelieu
Place Colette
75001 Paris
Du 20 septembre 2014 au 17 février 2015
A 20h30. Matinée à 14h30
Réservation 0825 10 16 80
www.comedie-francaise.fr

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