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Sybil, conception et mise en scène de William Kentridge, au Théâtre du Châtelet/Théâtre de la Ville hors-les-murs

Fév 14, 2023 | Commentaires fermés sur Sybil, conception et mise en scène de William Kentridge, au Théâtre du Châtelet/Théâtre de la Ville hors-les-murs

 

© Stella Olivier

 

ff article de Denis Sanglard

Sybil, opéra de chambre conçu par William Kentridge, est un bel ouvrage, une œuvre d’art total, qui réunit la musique, le chant, le théâtre, la danse, la littérature, la peinture et le cinéma dans un même geste, une unique fresque. William Kentridge, sud-africain né sous le régime de l’apartheid, dont les dessins au charbon se font l’écho des injustice de ce monde qu’il ne cesse de dénoncer, signe deux œuvres distinctes présentées conjointement mais qui se rejoignent dans l’obsession et la récurrence de leur thème. Avec le court métrage The moment has gone qui ouvre cette soirée, nous assistons au processus de création à l’œuvre, l’artiste en son atelier, où les dessins et esquissent deviennent l’objet d’un film, dans une mise en abyme vertigineuse. Cependant que sur le plateau chante un quintet masculin qu’accompagne Kyle Shepperd au piano. L’ensemble augure déjà magnifiquement de la suite, Sybil. C’est un opera de chambre en 6 tableaux, inspiré des œuvres de Calder, de ses mobiles dont la particularité est de se défaire et de se reconstruire dans un mouvement continu, circulaire, lui donnant au final sa cohérence. C’est ce mouvement-là, fait de fragments qui assemblés lui donnent un sens, une cohésion, que saisit pleinement et brillement William Kentridge pour bâtir cet ouvrage délicat. L’oracle de Cumes, près de Naples, ne donnait que des réponses parcellaires, fragmentaires aux questions posées, feuilles de papier que le vent dispersait, mêlait  aux feuilles des arbres. Qui pouvait alors être certain que son destin était bien écrit dans ces papiers par force mélangés et ne correspondait pas de fait à un autre ? William Kentridge a rassemblé pour son livret nombres de phrases qui, sorties de leur contexte, portent en elle une énigme. Empruntées aux proverbes africains, extraites de poèmes de différentes époques et nationalités, de citations, des écrits même de William Kentridge, elles sont projetées sur un écran, comme un livre ouvert, les unes à la suite des autres, comme un long poème, sans cohérence autre que celle que nous lui donnons, ou pas. Sur ce même livre les dessins mouvants et charbonneux du même, comme autant d’anamorphoses en mouvement perpétuel ne cessant de se recréer. Jouant des ombres des chanteurs et danseurs, ces dernières s’incrustent dans le livre et ne se distinguent bientôt plus des dessins. Et sur le plateau, comme l’antichambre où le bureau de la Sybille, jonché de feuilles de papier, les chanteurs et danseurs comme autant de pièces colorés d’un même mobile composent de singuliers et merveilleux tableaux vivants. Un vieux mégaphone soliloque et prophétise, des chaises font des caprices, des suppliques chantent leur demande. Au centre, la Sybille, danse jusqu’à la transe. On songe à Calder, oui, celui là qui composait un cirque miniature, qu’il animait lui-même, comme un enfant ébloui de sa propre imagination. Il y a de ça ici, dans ce côté savamment et faussement bricolé, tout simple, mais porteur d’un enchantement réel. La beauté des chants africains, n’exprimant rien d’autre ici que ces oracles toujours énigmatiques, ce collage comme autant de probabilités incertaines, ne manifeste rien moins qu’une humanité en quête de sens, et sans doute trouve là sa cohérence. C’est beau oui, poétique, c’est drôle aussi, et poignant tout autant par ce qu’il révèle de notre inquiétude au monde que nul algorithme comminatoire aujourd’hui ne saurait consoler.

 

© Stella Olivier

 

Sybil, the moment has gone & Waiting for the Sybil, conception et mise en scène de William Kentridge

Composition & direction musicale : Kyle Shepherd

Composition vocale & metteur en scène associé : Nhlanhla Mahlangu

Vidéo design & editing : Žana Marovic

Costumes : Greta Goiris

Décor : Sabine Theunissen

Lumières : Urs Schönebaum

Associée à la création lumières : Elena Gui

Ingénieur du son : Gavan Eckhart

Cameraman : Duško Marovic

Orchestration vidéo : Kim Gunning

Traduction et surtitrage : Bernardo Haumont

Avec : Kyle Shepherd, Nhlanhla Mahlangu, Xolisile Bongwana, Thulan Chauke, Teresa Phuti Mojela, Thandazile ‘Sonia’ Rabede, Ayanda Nhlangothi, Zandile Hlatshwayo, Siphiwe Nkabinde, S’busiso Shozi

 

Du 11 au 15 février 2023 à 20h

Le dimanche à 15h

 

Théâtre du Châtelet

1 place du châtelet

75001 Paris

Réservations : chatelet.com / theatredelaville-paris.com

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